Tout l’intérêt du bail rural à clauses environnementales

 

Espaces naturels n°33 - janvier 2011

Droit - Police de la nature

Annie Charlez
Chef de la mission conseil juridique ONCFS

 

Un bail rural classique protège la liberté du fermier dans sa pratique culturale. Un propriétaire ne peut pas, par exemple, imposer la non-utilisation d’engrais chimiques. A contrario, un nouveau type de bail rural permet aux propriétaires d’inclure des clauses prescrivant des pratiques culturales spécifiques visant à préserver l’environnement.

Soucieuse d’une agriculture durable, respectueuse de l’environnement, la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 prévoit (art. 76) la création d’un nouveau type de bail liant fermier et propriétaire : le bail rural environnemental.
Seuls les terrains relevant du statut du fermage sont concernés. Les terrains sur lesquels il n’y a pas de production agricole sont donc exclus. Les textes régissant ce type particulier de bail se trouvent dans le code Rural et de la pêche maritime (CRPM).

Les caractéristiques du bail. La loi d’orientation agricole modifie la relation, constituée par le bail rural, entre le propriétaire et son fermier. Elle permet au propriétaire d’imposer au fermier, avant la signature du contrat, un certain nombre de mesures à caractère environnemental qu’il devra respecter, faute de quoi il pourrait être mis fin au bail.
La loi précise que le preneur peut « appliquer sur les terres prises à bail des pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l’air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l’érosion ».
Ces dispositions ne peuvent pas s’imposer dans le cas des baux en cours. En revanche, des clauses environnementales peuvent être incluses dans les baux existants au moment de leur renouvellement. En cas de refus du preneur, le bailleur devra saisir le tribunal paritaire des baux ruraux.

Bailleur public. Quand le bailleur est une personne morale de droit public, il choisit parmi les pratiques énumérées par le code Rural et de la pêche maritime (voir encart), celles qu’il veut voir appliquer sur ses propriétés ou sur les biens dont il est gestionnaire, que ses propriétés soient ou non situées dans les zones à préserver (art. L.411-27 du CRPM).
Ces personnes peuvent être des
gestionnaires d’espaces naturels (Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, associations agréées de protection de l’environnement…). Ainsi, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a signé un tel bail en mai 2009 pour la Réserve nationale des Bauges en Savoie, incluse dans le Parc naturel régional du massif des Bauges.

Bailleurs particuliers. Seules sont concernées les parcelles situées dans certains espaces protégés tels que les zones de captage des eaux, les parcs nationaux, les réserves naturelles (y compris leurs périmètres de protection), les terrains appartenant au Conservatoire du littoral, les sites naturels classés, les sites Natura 2000, les parcs naturels régionaux, etc. L’art. L.411-27 du CRPM détaille la liste des espaces protégés concernés. L’espace protégé sur lequel se trouve la parcelle doit avoir fait l’objet d’un document de gestion officiel.

Le preneur. Les obligations du preneur sont régies par les articles 1766 et 1767 du code Civil.
Concernant le loyer, le code Rural et de la pêche maritime (art. L. 411-11) prévoit que les minima du barème arrêté par le préfet ne s’appliqueront pas au bail comportant des clauses environnementales. Le prix du loyer de ce bail devrait donc varier à la baisse, au titre de la compensation des charges reposant sur le preneur.

En devenir. Il existe peu de contrats de ce type en France. Il n’y a pas non plus de jurisprudence sur le sujet, peut-être du fait de la discussion approfondie précédant la signature d’un tel contrat, mais aussi de la nouveauté du dispositif.
Quoi qu’il en soit, le bail rural environnemental constitue un outil permettant de concilier une agriculture à la fois productive et environnementale, comme le prône l’article 31 de la loi dite Grenelle 1 du 3 août 2009.