Parc naturel régional du Haut-Jura

Le concours Prairies fleuries pour se comprendre sans conflit

 

Espaces naturels n°33 - janvier 2011

Aménagement - Gouvernance

Jean-Yves Vansteelant
PNR Haut-Jura

 

Valorisez les gens, mettez-les en situation d’agir ensemble. Ils s’accorderont avec plaisir sur la définition d’équilibre agri-écologique. Tel est le but du concours Prairies fleuries.

Préserver la biodiversité des prairies permanentes. Louable objectif que tout gestionnaire d’espaces naturels retrouvera, au moins dans l’esprit de ses documents de gestion. Or, si l’obtention d’un consensus local autour de cet objectif est quelquefois ardue, c’est généralement lors de sa mise en œuvre, de sa transcription en mesures contractuelles, notamment les mesures agro-environnementales, que les incompréhensions apparaissent.
Les prairies permanentes possèdent en effet la spécificité d’être au cœur d’enjeux très différents, parfois contradictoires : ceux de l’agronomie et ceux de l’écologie.
Atteindre l’objectif suppose donc que les acteurs locaux soient convaincus que la conciliation des intérêts agronomique et écologique est possible, mais également qu’ils aient réussi à se mettre d’accord sur les niveaux d’exigences, les critères d’évaluation, voire les moyens nécessaires à mettre en œuvre.

Même avec des partenaires locaux agronomes, zootechniciens et écologues motivés, les formes classiques d’animation et de concertation (réunions pluridisciplinaires, visites de sites…)
permettent, certes, de fructueux échanges, voire l’établissement de référentiels communs, ils sont hélas peu efficaces pour lever toutes les incompréhensions.
C’est ainsi, par exemple, qu’à l’issue de plusieurs séances de travail, l’agronome et le botaniste œuvrant sur le territoire du Parc naturel régional du Haut-Jura sont tombés d’accord pour qualifier une prairie de « dégradée ». Malheureusement, l’un se référait au pourcentage de légumineuses et l’autre à la richesse spécifique.

Pour tenter de lever ces freins, le parc du Haut-Jura a voulu changer d’approche et mettre les acteurs locaux non plus en situation de réfléchir mais d’agir, ensemble. Depuis trois ans, il organise le concours Prairies fleuries.
Au sein d’un même jury, des personnes d’horizons très divers (agriculteurs, apiculteurs, scientifiques, élus locaux…) ont la charge d’évaluer rapidement un certain nombre de parcelles pour leur qualité floristique. Ces spécialistes disciplinaires doivent rendre un jugement  compréhensible. 
Sous sa dénomination anodine, ce concours s’est révélé être un formidable accélérateur de définition et d’appropriation locale de la notion d’équilibre agri-écologique.

Les hommes discutent sur un objectif concret : rédiger des grilles d’évaluation. Le dialogue du jury nourrit les critères d’évaluation fournis par les chercheurs. Ils se mettent d’accord sur la notion d’équilibre agri-écologique.
Pour juger, ils s’écoutent. Les croisements de regards en sont facilités. Il n’est pas rare d’entendre au sein du jury : « Celle-ci, elle va plaire au botaniste/à l’apiculteur…). »
Le concours Prairies fleuries permet des échanges joyeux sur l’intérêt de telle ou telle parcelle. Il permet aussi, surtout, la rencontre et la discussion avec l’exploitant et ses corollaires : la compréhension de son positionnement et sa sensibilisation aux enjeux environnementaux.

Le choix du terrain candidat n’est jamais anodin, il fait souvent suite à une visite de l’ensemble des parcelles, à des discussions entre associés ou en famille. Bien plus que l’attrait de la récompense (symbolique), les exploitants recherchent un regard extérieur sur l’effet de leurs pratiques, des conseils, la mise en relation avec de nouveaux acteurs (apiculteurs, paysagistes…).
L’événement permet de définir par l’exemple une prairie à l’équilibre entre les enjeux agronomique, écologique, apicole et paysager.
Et s’il est étonnant de voir à quelle vitesse le jury désigne la parcelle gagnante (dix minutes après une vingtaine de prairies visitées), c’est qu’à travers ce concours la connaissance et la sensibilisation progressent.