Sénégal

Changement de cap pour la zone de chasse

 

Espaces naturels n°33 - janvier 2011

Vu ailleurs

Claire Clément Seck
Chargée d’appui à la gestion de la RNC du Boundou - Conseil général de l’Isère

 

C’était une zone de chasse touristique. C’est aujourd’hui la Réserve naturelle communautaire du Boundou au Sénégal. Elle est née avec l’appui de la coopération décentralisée du conseil général de l’Isère.

Dans le Boundou, l’aventure ne fait que commencer. Une ancienne zone de chasse touristique, comme il en existe beaucoup au Sénégal, a été transformée en réserve naturelle communautaire. Peut-être rien d’original ! Sauf… Un partenariat avec une collectivité territoriale française qui s’est investie dans le cadre de la coopération décentralisée.
Que le conseil régional de Tamba-counda ait choisi d’accompagner la démarche est déjà une innovation. Au Sénégal, en effet, la loi de décentralisation de 1996 a rendu les collectivités locales compétentes en matière de protection des espaces naturels et l’implication de l’institution régionale est rare. Aussi, même si la volonté de préserver l’environnement était manifeste depuis longtemps, l’idée était osée. Elle fut largement soutenue par les élus locaux1 pour qui la réserve constituait une opportunité de multiplier les ressources pour la population. Un comité de suivi est mis en place.

Mais, en réalité, il est difficile d’avoir une idée précise de l’avenir du projet : ce territoire a-t-il un intérêt en termes de faune, de flore et de milieux ? Quelle superficie doit être concernée ? Avec quelle cohérence écologique ? Quels efforts la population est-elle prête à consentir ? Comment faire en sorte qu’il s’agisse d’un développement rural durable, seul gage de pérennité ?
Pour éviter le vertige face à une liste de questions prégnantes et s’assurer des relais, le gestionnaire de la zone de chasse interpelle le conseil général de l’Isère qui, depuis quelque temps, manifeste la volonté de coopérer. La collectivité territoriale française apporte ainsi un soutien technique et financier nécessaire pour estimer les potentialités du site.
Concrètement ? Une étude de terrain est conduite en binôme par un volontaire isérois et un agent des eaux et forêts de Tambacounda.
Ceux-ci mettent en lumière que les intérêts écologiques majeurs de la zone sont menacés par de fortes pressions anthropiques (braconnage, feux de brousse, transhumance…). Ils montrent que des actions de préservation peuvent être efficaces à condition de considérer un espace plus grand que la zone de chasse initiale en y intégrant, notamment, les principaux sites humides situés en périphérie.
Leurs conclusions vont influencer la suite du projet puisque le comité de suivi décide de repousser les limites de la réserve en y intégrant 120 000 ha contre les 60 000 prévus. Ce ne sont plus deux mais quatre communautés rurales (vingt villages) qui sont concernées. Elles chevauchent deux départements. L’échelle d’action prend de l’ampleur. Le plan de préservation et d’interprétation de la future réserve est arrêté.

La coopération va alors se poursuivre en entrant dans une phase plus opérationnelle. Les comités de suivis successifs veulent prendre en compte les besoins des populations. L’étude socio-économique est confiée à l’Agence régionale de développement. Là encore, l’outil technique de la région s’appuie largement sur son partenaire français.
Dans cette phase, le portage institutionnel se renforce et une dynamique d’acteurs se crée2. Un plan de développement local adapté au contexte de la réserve peut être présenté aux élus des quatre communautés qui l’adoptent et créent la Réserve naturelle communautaire (RNC) du Boundou en juin 2009.

La mise en œuvre et la coordination des actions s’avèrent cependant délicates. Au Sénégal, les institutions peinent à mobiliser les moyens, humains et financiers, nécessaires à la contrepartie de la coopération. Le conseil général de l’Isère aide à la réalisation du projet en prenant soin de ne pas faire le travail à la place des acteurs locaux. Son rôle, par ailleurs, est de trouver des dispositifs permettant de gérer « à bon escient » les ressources financières. Un lien permanent entre les deux institutions est assuré par la présence de deux volontaires de solidarité internationale.

Force est de constater cependant que la coopération décentralisée n’est pas suffisante pour appuyer l’ensemble des actions programmées. Cette limite prévisible conduit à rechercher de nouveaux partenariats. Ainsi, des organisations aussi diverses que le Fonds français pour l’environnement mondial, le Parc naturel régional de Millevaches en Limousin, l’Institut des sciences de l’environnement de Dakar ou encore Wula Nafaa (projet sénégalais), apportent un appui financier, technique ou scientifique, sur des actions spécifiques de la réserve.
Sur le terrain, où les populations attendent avec impatience la concrétisation du projet, quelques actions ont déjà été initiées avec le conseil général de l’Isère afin de maintenir la dynamique locale. Ainsi, des clubs Nature sont créés et des échanges avec des écoles iséroises prospèrent. Vingt-cinq apiculteurs traditionnels sont formés aux techniques modernes par les apiculteurs du syndicat apicole dauphinois (Isère). Ils se sont équipés et se sont rassemblés au sein d’un groupement d’intérêt économique.
Sur le plan de la conservation, la gazelle à front roux fait l’objet d’un suivi spécifique. Le service environnement du conseil général de l’Isère intervient. Et la coopération s’élargit autour de cette espèce emblématique (classée vulnérable dans la liste rouge de l’IUCN) avec les parcs nationaux sénégalais et la station expérimentale des zones arides du CSIC (Espagne).
Les difficultés ? La coordination, les lourdeurs administratives, les moyens pas toujours disponibles, peu de personnes physiques pour mettre en œuvre les actions… Mais les efforts sont payés en récompense. Reste à espérer que l’aventure essaime.