Tomber dans les POM

 
(petits objets multimédia)

Espaces naturels n°47 - juillet 2014

Le Dossier

Claude Dautrey
conseiller éducation-culture au Parc national des Écrins, en charge du service accueil/ communication pendant près de 20 ans

 

Le Parc national des Ecrins est tombé tout petit dans la marmite de l’usage du son. Toute son histoire est liée à la récolte de la mémoire orale, et aboutit aujourd’hui à une collection exceptionnelle et toujours vivante.

© Claire Gondre, PN écrins

Dès sa création le Parc national des Ecrins a formé ses agents à l’enquête orale et aux recueils de témoignages. Il y avait tant à apprendre des habitants et des usages de l’espace. Un ethnolinguiste animait ce travail autour des paysages, des noms de lieux et leurs usages. Cartes à l’appui les premiers enregistrements ont concerné les toponymes, les dénominations des espèces végétales et animales. La force de la parole recueillie a ainsi fait sa place durablement dans les équipes du Parc.

L’association de photographies aux volets sonores favorise la création d’audiovisuels avec des interventions à deux voix (habitants et agents du parc). Deux projets emblématiques réalisés avec des professionnels du son :
un double disque de chants d’oiseaux réalisé avec Jean Roché et construit comme une randonnée sonore : montée en versant nord et descente en versant sud avec ambiances sonores et chants individualisés.
un « opéra de voix » conçu à partir d’une vaste enquête autour des vécus de terrain des gardes-moniteurs du parc. Les écoutes collectives ont révélé la force du son et les imaginaires que celui- ci déclenche. Mais c’est avec le Centre de l’oralité alpine créé par le conseil général des Hautes-Alpes que les enquêtes orales se structurent et deviennent un véritable programme de construction de fonds d’archives sonores.

Un imposant travail d’enquêtes est engagé conjointement autour des métiers de l’altitude. D’abord des entretiens très complets avec 22 guides de la compagnie Oisans-Écrins, ensuite avec les gardiens de refuges du massif, avec les gardes moniteurs enfin. Ce qui était si difficile à réussir - faire de Maisons du parc des lieux d’échanges entre montagnards et visiteurs - trouve, avec ces films oralisés, une solution. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Charte du Parc, trente grands témoins sont enquêtés. Une image collective de territoire s’élabore, se met en mots. Des éditions d’ouvrages et de CD audio sont réalisées à cette occasion, des vidéastes s’emparent de cette matière sonore pour réaliser un film sur le massif. À l’occasion des 40 ans du parc, retour à la vie en vallées. En projet, des portraits d’habitants réalisés à partir du recueil de récits de vies, portraits sonores et photographiques, montages sons et images fixes.

Les POM (petits objets multimédia) viennent de faire naître quarante portraits : une exposition à Grenoble pendant toute une année, et, dès cet été, un programme de projections-conférences autour de l’oralité, des enquêtes sonores et des programmes mémoriels. La force de ce travail, par-delà l’extrême richesse des relations humaines qu’il génère, c’est d’avoir été dans l’écoute, d’avoir pris le risque d’une synthèse sous forme de portraits sonores et photographiques. Le rapport des hommes à l’espace protégé se précise, invitant à s’y adosser, à veiller sur lui, bien plus qu’à le conquérir ou l’artificialiser. Le son ne construit pas seulement une mémoire, il installe des représentations tout à fait actuelles, en devenir.