Métier : audionaturaliste
Espaces naturels n°47 - juillet 2014
Oiseaux, bien sûr, amphibiens, mammifères, mais aussi chiroptères, araignées, ou bien encore la glace qui craque et l’orage qui éclate … Boris Jollivet a tout ça dans sa collection. Son quotidien est fait d’affûts, de contorsions, de créativité, de rencontres, mais aussi de technique.
Parmi les trésors de Boris Jollivet, il y a le lynx, des percussions d’araignées, ou le concert naturel d’un lac gelé. Il rêve de cétacés, de forêt amazonienne, ou mieux, d’enregistrer le loup en France. « Le retour des grands prédateurs est un bon indicateur de l’état de santé de nos espaces naturels et de notre rapport au sauvage ! » Nul besoin de trop d’exotisme, il y a déjà beaucoup à découvrir, à contempler et à écouter près de chez soi. Sa motivation est avant tout le partage de ses découvertes. « Le son est un bon moyen de sensibiliser à la nature et à sa préservation. Et ça fonctionne ! Assaillis par l’image, les gens ont perdu l’habitude d’écouter. Ils sont autant étonnés par cette diversité sonore que nous offre la nature que par la qualité, le plaisir et les sensations que l’on peut ressentir avec le son seul. Cette découverte sert de base pour des échanges plus élaborés. » C’est le moyen d’échanger sur la biodiversité, la pollution sonore, les milieux qui disparaissent, présenter une espèce, ses outils et les ruses qu’elle utilise pour communiquer.
Le métier d’audionaturaliste peut s’apparenter à celui de photographe animalier, où la patience, la passion et surtout le respect de l’animal et de son milieu sont les valeurs essentielles. « Il faut interagir le moins possible, se fondre dans le milieu, se rendre invisible. L’authenticité de l’enregistrement est le plus important. »
Pour enregistrer le chant du cincle plongeur dernièrement, il lui a fallu plusieurs mois de repérage. Regarder, sans déranger. Comprendre son comportement. Car techniquement, pour avoir un son de bonne qualité, il fallait placer les microphones à moins de 30 cm du poste de chant du cincle plongeur. « Il y a quelques semaines, en arrivant de nuit, j’ai enfin pu capter la finesse de ses notes et la diversité de son chant. » Savoir écouter certes, mais il faut aussi reconnaître les cris et chants des différentes espèces en fonction de leurs comportements, c’est un métier qui nécessite une bonne connaissance de la nature. Connaître l’animal, ses moeurs et le milieu dans lequel il évolue. Naturaliste, donc, mais aussi technicien à part entière, et même artiste. Il ne suffit pas de capter les sons ou d’avoir une sonothèque pour vivre de cette activité. Réalisation de disques, compositions ou dispositifs sonores, Boris Jollivet met en son des musées, des expositions, il vient par exemple de créer l’ambiance de Il est aussi l’auteur du disque Terre sonore pour le PNR du Haut-Jura (cf. pages 32-33). Il réalise les bandes sons pour des documentaires, récemment celle de L’oiseau papillon, la vie incroyable du tichodrome, un film de Franck Neveu dont la capatation sonore et le mixage ont été réalisés en 5.1 (système audio à 5 voix). Il intervient aussi dans des festivals (La salamandre, Ménigoute, Grandeur nature…) ou dans des écoles. Et surtout, explorant une facette plus esthétique, il conçoit des cinémas pour l’oreille, un spectacle sonore en multiphonie (qui utilise plusieurs enceintes). Yeux fermés, mais oreilles grandes ouvertes, le « spectateur » est invité à l’immersion totale dans un espace sonore dont chaque élément provient de la nature. Le son possède un fort pouvoir suggestif sur l’imaginaire de l’auditeur. De ses souvenirs sonores personnels et de sa sensibilité, chaque auditeur se créera son propre cinéma.
LE SON, COMME L’ODEUR, RAMÈNE À L’ENFANCE
Dans ce métier, dont seules cinq ou six personnes en France vivent vraiment de façon professionnelle, Boris s’est fait une renommée. Comment en est-il arrivé là ? « Autodidacte de formation », pour le volet naturaliste, il s’est formé seul et au gré des rencontres sur le terrain. Pour ce qui est de la technique de prise de son, il a été à bonne école, avec Jean Roché (cf. page 31), un des pionniers de l’enregistrement des chants d’oiseaux qui a créé le CEBA (Centre d’étude bioacoustique alpin). « J’ai appris les techniques de prise de son et de captation dans l’idée d’en faire mon métier. Je voulais travailler dans la nature. Le son me touche particulièrement. » Il arrive à en vivre depuis près de 15 ans. Les projets arrivent les uns après les autres, de bouche à … oreille évidemment. Dans ses cartons, on trouve un nouveau reportage en cours sur la Durance, un cinéma pour l’oreille (Plume), un reportage sonore en 5.1 sur l’arbre et la forêt, un projet d’édition sur les mammifères de France, et bien sûr de nouvelles rencontres en cours avec le blaireau, la chouette chevechette, et pourquoi pas la taupe... Quelques dates : cet été à l’Odyssée verte® de Gresse-en-Vercors, en octobre au festival de Namur en Belgique, en novembre pour le Festival de la Salamandre…