Pont de Gau - Camargue

Le parc zoologique se mue en espace pour oiseaux sauvages

 

Espaces naturels n°29 - janvier 2010

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Frédéric Lamouroux
Directeur du Parc ornithologique de Pont de Gau

 

De la présentation d’oiseaux captifs à leur observation en liberté, la mue du Parc zoologique de Pont de Gau aura pris quarante ans. Elle marque un changement profond du rapport à la nature. 

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, André Lamouroux réalise son rêve. Il achète un lopin de terre en Camargue pour y élever des oiseaux et les offrir à découvrir aux visiteurs.
Autour de sa propriété, il fait creuser un cheminement d’eau sur lequel il installe des cages abritant des espèces locales. Il imagine ainsi un concept innovant : un zoo de plein air. Nous sommes en 1949, le Parc zoologique de Pont de Gau est né.
Mais, quand en 1972 son fils, René Lamouroux, reprend les rênes du domaine, il se trouve face à un parc désuet qui ne cadre ni avec son temps, ni avec ses aspirations. « Ce qui m’intéressait, c’était de présenter des oiseaux in natura, explique-t-il. Il me fallait donc entamer une mue profonde pour parvenir à modifier la philosophie du parc et évoluer vers un parc ornithologique où les oiseaux sont en liberté. »
Mesure d’urgence : les petites cages sont décloisonnées pour en faire de spacieuses volières. Puis, avec les grands travaux qui commencent, le dirigeant décide tout d’abord une modification de l’usage des marais de chasse : on ne chassera plus à Pont de Gau. Très vite, les zones humides du domaine sont transformées. On y plante des arbres, des haies, on construit des îlots nus ou arborés, on favorise, par une gestion hydraulique appropriée, le maintien de biotopes tels que roselières, sansouïres et pelouses.
Pour parvenir à ses fins, René Lamouroux ne travaille pas seul : « j’ai eu la chance d’être conseillé par mes amis qui travaillent dans des structures telle que la Tour du Valat et avec qui nous continuons à collaborer », développe-t-il.
Le nouveau parc ornithologique vise la sensibilisation du public à la nature. Le pari est de réussir à montrer des oiseaux sauvages dans des conditions où, d’habitude, il ne peut voir que des oiseaux captifs. Le parc s’équipe alors de nouveaux chemins. Les visiteurs peuvent ainsi découvrir l’avifaune de Camargue dans les meilleures conditions. Des panneaux thématiques sont également mis en place expliquant l’écologie des oiseaux ou développant des fiches d’identification. Les années passent : un observatoire est construit en 1989. Avec amusement, on notera l’évolution : dorénavant les oiseaux sont libres. Pour les observer, ce sont les visiteurs qui entrent dans la cage (l’observatoire).
Situation unique en Camargue : il est possible d’admirer des colonies sauvages de quatre ou cinq espèces de hérons et d’aigrettes, et de s’en approcher à quelques mètres sans provoquer leur envol. Dans les années 50, seules quelques espèces d’oiseaux fréquentaient les marais ; aujourd’hui, on en recense plus de deux cent trente.
Un coup d’œil dans le rétroviseur permet de réaliser comment, étape par étape, le parc zoologique a évolué vers cet espace ornithologique.
Il y a eu tout d’abord les grandes volières sur et autour desquelles d’autres oiseaux sauvages sont venus nicher. Puis, on a ouvert les volières mais les oiseaux captifs, habitués aux visiteurs sont restés là. Ils se sont incorporés à la population sauvage devenue aussi peu farouche que leurs homologues, anciens captifs.
En 2005, une nouvelle convention a octroyé la gestion totale du marais de Ginès à Pont de Gau. L’équipe, ayant les coudées franches, a entrepris une refonte totale de cet espace et créé plusieurs îlots à destination des laro-limicoles (plus de 900 couples nicheurs en 2009, mouettes rieuses et mélanocéphales, goélands railleurs, sternes hansels, naines, pierregarins, échasses blanches et avocettes). Cinq nouveaux observatoires ont alors vu le jour.
Le Parc ornithologique de Pont de Gau n’a pas totalement terminé sa mue. Il tend à ressembler à l’idée que s’en faisait René Lamouroux en 1972 : un espace naturel dédié à la conservation et permettant la découverte et l’observation des oiseaux à un large public. L’avenir ? Un nouveau centre de sauvegarde de la faune sauvage prévu pour 2010, grâce aux efforts de l’association des amis du parc et de l’aide des collectivités et autres fondations.