Un impératif : évaluer l’évolution de la restauration
Espaces naturels n°29 - janvier 2010
Armelle Hélou
Syndicat mixte Grand Site Gâvres-Quiberon
Sébastien Gallet
Institut de géoarchitecture - Université de Bretagne occidentale
Une évaluation de la restauration du site de Gâvres-Quiberon a été testée. Simple, la méthode est le fruit d’une collaboration entre l’université de Brest et le Grand Site.
Le couvert végétal était profondément dégradé et l’ensemble du site soumis à une érosion problématique : la Côte sauvage de la presqu’île de Quiberon souffrait d’une forte fréquentation et de problèmes liés au ruissellement des eaux de surface. En 2006, ce constat alarmant pour le plus grand massif dunaire de Bretagne conduit le Conservatoire du littoral (propriétaire) et le syndicat mixte du Grand Site de Gâvres-Quiberon (gestionnaire) à engager une opération de réhabilitation.
Trois ans plus tard, divers aménagements matérialisent les cheminements ou permettent le recul d’une aire de stationnement initialement trop proche de la falaise.
Opération réussie ? Peut-être. Le problème étant que l’opération, montée sur la base des éléments de la cartographie des habitats Natura 2000, omet d’effectuer un état initial précis et, surtout, ne prévoit pas de suivis des travaux.
Sur le terrain, gestionnaires et scientifiques se rencontrent ; ils discutent : comment être sûr que l’objectif est atteint, comment s’assurer de la reconquête par les types de végétation caractéristiques du site ?
Ensemble, ils notent combien l’omission est dommageable. Les uns expriment leur besoin d’un outil d’analyse leur permettant d’intervenir à bon escient pour rectifier d’éventuelles évolutions néfastes au site. Les autres proposent d’adapter et de tester une méthode simple de suivi qu’ils ont élaborée dans leur laboratoire.
Armelle Hélou, gestionnaire du Grand Site, et Sébastien Gallet, enseignant-chercheur à l’université de Bretagne occidentale (institut de géoarchitecture, Brest), ont participé à cette opération. Ils commentent.
Nécessité du suivi • Armelle Hélou
Les décideurs n’ont pas pensé à financer un suivi pour évaluer l’évolution de la réhabilitation. Pourtant, sans suivis, impossible de nous assurer que ce sont bien les espèces constitutives des habitats identifiés du site qui reconquièrent le milieu.
La collaboration gestionnaires/scientifiques est intervenue après coup, mais elle a permis de constituer une grille d’analyse pour, le cas échéant, enrayer les processus négatifs.
La méthode impliquait une autre obligation : le résultat devait pouvoir être relativement facile à interpréter afin d’être utilisable dans notre communication en direction des élus. Ce type d’opération de réhabilitation coûte très cher. Il est important que les résultats soient compréhensibles.
Par l’intermédiaire de cartographies et de codes couleur, les informations recueillies sont d’ailleurs directement utilisables pour des actions pédagogiques touchant le grand public.
Une méthode novatrice • Sébastien Gallet
Notre équipe travaille sur la problématique d’évaluation des opérations de restauration depuis quatre ans (programme Liteau du ministère de l’Écologie). La rencontre avec les gestionnaires du Grand Site nous donnait l’occasion d’ajuster et de tester notre méthodologie. Son aspect novateur réside dans sa simplicité et sa possibilité de transfert. En effet, la littérature scientifique fournit des critères d’évaluation de la restauration d’un milieu qui nécessitent notamment diverses analyses chimiques ou mesures de flux. Il s’agit d’un travail énorme qui n’est pas applicable à grande échelle.
Il existe aussi des méthodes de cartographie, très fines, mais elles réclament énormément de temps et sont coûteuses.
Transfert de connaissances • Sébastien Gallet
De la mise en défend, jusqu’à la pose de géotextile, en passant par la transplantation, ou encore le décompactage… il existe toute une gamme de techniques qui d’ailleurs ont été utilisées sur la Côte sauvage. Aussi, d’un point de vue scientifique, et notamment parce que ces suivis s’opèrent à l’échelle globale du site, nos résultats vont conduire à affiner les connaissances sur l’efficacité des techniques de restauration.
Nous serons capables de faire des propositions pour ajuster l’action. Nous travaillons d’ailleurs à l’édition d’un guide méthodologique visant à transférer les acquis aux gestionnaires.
Lever les difficultés • Sébastien Gallet
Ici, comme sur toutes les opérations de restauration, une difficulté importante réside dans le fait de définir des objectifs. Il ne suffit pas de savoir ce que l’on veut. Il faut aussi savoir ce que l’on peut véritablement attendre en fonction des réalités physiques du site.
La collaboration que nous avons entretenue avec les gestionnaires nous a permis de jauger la difficulté d’atteindre, ou non, l’objectif. Ensemble nous avons cherché à savoir ce que nous pouvions potentiellement restaurer à tel endroit : cela correspond-il juste au fait de retrouver un couvert végétal, ou bien à un type de végétation précis ?
Acquis • Armelle Hélou
Au Grand site Gâvres-Quiberon, la notion d’évaluation est désormais une composante incontournable des projets.
Par ailleurs, les gestionnaires ont puisé des pistes techniques pour agir : contre l’érosion par exemple. Certaines ont d’ailleurs déjà été testées à petite échelle.
Cette expérience a également permis de démystifier l’intervention des scientifiques. Après ces échanges, des besoins concrets ont trouvé des réponses adaptées et abordables.
Si c’était à refaire • Sébastien Gallet
On aurait gagné quelques années si l’on avait pu faire une précartographie à l’état zéro ; mais mieux vaut tard que jamais. En revanche, si c’était à refaire, il faudrait réfléchir dès le départ aux objectifs et aux suivis permettant leur évaluation.
Sur de gros programmes comme celui-là, la petite ligne budgétaire qui permettrait de faire ce type de suivi est dérisoire par rapport au coût global du projet.