Écologie de la restauration en zone urbaine ou rurale : contrainte ou opportunité ?

 

Espaces naturels n°29 - janvier 2010

Le Dossier

Hervé Daniel
Chercheurs Agrocampus Ouest
Ivan Bernez
Chercheurs Agrocampus Ouest

Comment mettre en œuvre des démarches de restauration écologique quand les objectifs de gestion ne sont pas prioritairement naturalistes ?

Les besoins de restauration sont fréquents dans les zones périurbaines, où l’extension citadine doit intégrer des attentes de nature exprimées par les habitants et par les schémas de planification urbaine. Il ne s’agit pas seulement de construire des espaces verts mais, aussi, de restaurer des milieux à caractère naturel ; de porter un nouveau regard sur le rôle des espaces verts urbains, supports d’enjeux récréatifs et sociaux dans la ville (contact avec la biodiversité) mais aussi sources potentielles de services écologiques (régulation du climat, limitation de pollution…). Ces aménagements doivent alors dépasser des logiques locales pour intégrer des fonctionnements écologiques à des échelles plus larges. C’est ainsi le cas dans les démarches de trames vertes et bleues.
Ni lieux de production agricole, ni espaces naturels à protéger, ces espaces urbains et périurbains nécessitent une nouvelle approche afin de comprendre leur dynamique et d’intégrer des objectifs de nature ordinaire.
Des situations assez comparables sont rencontrées en zone rurales Ainsi, par exemple, des kilomètres de ruisseaux sont aménagés suivant des guides méthodologiques largement utilisés. Ceux-ci préconisent des modes de restauration intégrant plus ou moins de considérations écologiques, avec pour principal objectif des reconquêtes d’habitats piscicoles.
Les gestionnaires aménagent des cours d’eau pour des saumons, truites, anguilles, aloses… et intègrent les concepts de continuité écologique.
Cependant, l’approche est très incomplète eu égard à l’écologie de la restauration. Dès lors qu’elle ne prend pas en compte d’autres espèces inféodées aux habitats aquatiques lotiques, rivulaires, ou les habitats annexes lentiques ; ou encore lorsqu’elle n’associe pas certains acteurs du bassin versant comme les propriétaires des biefs ou des rives (très souvent des agriculteurs) dont les pratiques peuvent conditionner la pérennité de la restauration écologique envisagée.
Dans ce type de projet, les approches considérant les échelles spatiales du paysage et les variations temporelles des usages sont indispensables. Ainsi par exemple, des peuplements biologiques ordinaires comme des plantes herbacées ou ligneuses, vivant en bord de prairies et le long des cours d’eau restaurés écologiquement, peuvent constituer autant de « rivets » structurant et soudant les écosystèmes terrestres et aquatiques des paysages ruraux. Ces peuplements sont intéressants pour la diversité biologique qu’ils constituent, pour leur capacité à restaurer physiquement les milieux (rôle de filtre, de maintien des berges érodées…) et également pour leur fonctionnalité écologique (accueil de la faune, production primaire). Cette végétation rivulaire est aussi gérée par des agriculteurs, des techniciens de rivières, des bénévoles d’associations de pêcheurs. Ces modes de gestion doivent faire l’objet de collaboration entre ces acteurs pour qu’une restauration écologique de cours d’eau puisse être revendiquée.