Comprendre

Restauration, réhabilitation, réaffectation : ce que cachent les mots

 

Espaces naturels n°29 - janvier 2010

Le Dossier

James Aronson
Chercheur - Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, Montpellier. Missouri Botanical Garden, USA.

 

La restauration tend vers le retour de l’écosystème à sa trajectoire historique. La réhabilitation insiste sur la réparation. La réaffectation vise un autre usage.

Au sens strict, la restauration écologique est « le processus d’assister la régénération des écosystèmes qui ont été dégradés, endommagés ou détruits ». Il s’agit donc d’une activité intentionnelle qui initie ou accélère le rétablissement d’un écosystème antérieur par rapport à sa composition spécifique, sa structure communautaire, son fonctionnement écologique, la capacité de l’environnement physique à supporter les organismes vivants et sa connectivité avec le paysage ambiant. Ceci nécessite une bonne connaissance de l’écologie fonctionnelle et évolutive des écosystèmes ciblés, de l’histoire de la dégradation anthropique et, enfin, le choix d’un écosystème de référence pour guider la planification, la réalisation, le suivi et l’évaluation du projet de restauration.

La projection intentionnelle d’une trajectoire d’un écosystème vers le futur est nécessairement une probabilité plutôt qu’une certitude. Cependant, une telle démarche lourde et coûteuse peut se justifier dans la mesure où un écosystème restauré a plus de chance d’être résistant, résilient et donc viable qu’un écosystème délaissé et abandonné, ou qu’un système « construit », assemblé sans modèle de référence. La trajectoire sert de base à des objectifs de restauration, ainsi qu’au développement d’un modèle de référence, suivant les réalités contemporaines. De ce point de vue, la restauration écologique est une tentative holistique (globale) qui s’efforce d’embrasser les réalités et les tendances à la fois culturelles et environnementales, dans une perspective écologique, et socio-économique plutôt que purement technique ou d’aménagement.
La restauration tend donc vers le retour d’un écosystème à sa trajectoire historique. De ce fait, les conditions historiques sont un point de départ idéal pour un plan de restauration. Néanmoins, restaurer – stricto sensu – un écosystème historique reste utopique. En effet, les écosystèmes restaurés ne peuvent jamais être des répliques statiques du passé, comme s’ils étaient des tableaux ou des expositions dioramiques dans un musée. Ils sont dynamiques et sujets à des altérations.

Tout comme la restauration, la réhabilitation écologique se sert des écosystèmes historiques ou préexistants comme références, mais les buts et stratégies des deux activités diffèrent. La réhabilitation insiste sur la réparation et la récupération des processus, et donc sur la productivité et les services de l’écosystème, tandis que la restauration vise également à rétablir l’inté-grité biotique préexistante, en termes de composition spécifique et de structure des communautés. Pour certains, la valeur innée ou intrinsèque des espèces non-humaines, et des écosystèmes eux-mêmes, compte autant ou plus encore que l’intérêt de la restauration pour l’homme.

Une troisième réponse à la dégradation, voire à la destruction, d’un écosystème est la réaffectation d’un espace à un autre usage pour lequel aucune référence historique n’est requise. Les trois réponses peuvent très bien être planifiées et réalisées en même temps, à l’échelle des paysages et des écorégions.

Les plans pour les projets de restauration comprennent, au minimum :
• un raisonnement holistique sur la nécessité de restaurer une partie du paysage • une description écologique du site • une liste des buts et objectifs • une désignation et une description de la référence • une explication de l’intégration de la restauration au paysage alentour et à ses flux d’organismes et de matériaux • des plans explicites, des calendriers et des budgets pour la préparation du site • les activités de restauration, incluant une stratégie pour faire de promptes corrections à mi-course • des standards de performance développés et explicitement établis, avec des protocoles de suivi grâce auxquels le projet peut être évalué • des stratégies pour un maintien à long terme de l’écosystème restauré.
Lorsque cela est possible, un point contrôle non traité doit être inclus sur le site du projet pour pouvoir comparer avec l’écosystème restauré.

Un projet de restauration bien planifié tente d’atteindre clairement les buts fixés qui reflètent les attributs importants de l’écosystème de référence. Les buts sont atteints en suivant des mesures concrètes spécifiques. Deux questions fondamentales doivent se poser vis-à-vis de l’évaluation de l’écosystème restauré. Les mesures ont-elles été prises ? Les buts ont-ils été atteints ? Les réponses à ces deux questions ne sont valides que si les mesures ont été fixées avant la réalisation des travaux.
Notons cependant que les évaluations incluent celles de tous les buts et mesures fixés se rapportant aux aspects culturel, économique ou social. Pour cela, les techniques d’évaluation doivent inclure celles des sciences sociales. L’évaluation des buts socio-économiques est importante pour les décideurs et par la suite pour les responsables politiques qui choisissent (ou non) la mise en œuvre de projets de restauration.