Limiter les effets toxiques des traitements antiparasitaires

 

Espaces naturels n°17 - janvier 2007

Méthodes - Techniques

Gaël Virlouvet
Dr vétérinaire

 

Le bétail et les chevaux reçoivent régulièrement des traitements antiparasitaires. Ces traitements visent à améliorer la santé et les performances zootechniques des animaux. Cependant, certains d’entre eux engendrent des effets toxiques sur la faune non-cible, en particulier les insectes coprophages (coléoptères et diptères), car leurs résidus, encore actifs, sont éliminés dans la matière fécale.

Des mesures appropriées permettent de réduire l’impact toxique des traitements antiparasitaires.
Première règle : limiter le nombre de traitements antiparasitaires et mettre en œuvre une gestion raisonnée du parasitisme. Celle-ci repose sur la rotation des pâtures, sur l’alternance d’animaux d’âges différents et sur le fait de déterminer les dates d’administration des traitements en fonction du cycle de vie des parasites. Les vétérinaires sont désormais formés à ce mode de raisonnement. La mise en pâture simultanée de plusieurs espèces (par exemple des bovins, chevaux et oies) vise également à rompre les cycles parasitaires.
En effet, il a été montré que la répétition fréquente de traitements toxiques, même différents les uns des autres, peut conduire à la disparition locale des coléoptères coprophages. Espacer les traitements réduit le risque toxique.
La deuxième règle consiste à choisir les molécules antiparasitaires les moins toxiques pour la faune non-cible.
Les avermectines
(ivermectine, doramectine, éprinomectine…) et les pyréthrinoïdes (cyperméthrine, deltaméthrine…) représentent deux familles d’antiparasitaires dont la toxicité est reconnue pour la faune non-cible. Cette toxicité s’exprime par des effets létaux et sub-létaux (réduction de ponte, ralentissement du développement…) sur les larves et/ou les adultes.
Fort logiquement, plus la durée d’élimination fécale des résidus est longue, plus les conséquences toxiques sont importantes (cf. tableau ci-joint). En outre, pour une même molécule, les applications «pour-on»6 (sur le dos de l’animal) conduisent à une toxicité plus intense que les injections sous-cutanées.
La moxidectine possède une toxicité plus faible que les avermectines, mais cependant non nulle. En revanche, les benzimidazoles et le lévamisole n’ont, à ce jour, montré aucun effet toxique sur la faune non-cible. En troisième règle, il convient de tenir compte de la vulnérabilité des populations d’insectes coprophages (approche écosystémique).
Il est ainsi recommandé d’éviter l’administration des traitements toxiques lors de la mise à l’herbe du bétail. En effet, les populations d’insectes coprophages sont alors faibles, et les individus ayant survécu à l’hiver se précipitent vers les excréments disponibles. Si ceux-ci contiennent des résidus toxiques, la première génération d’insectes sera fortement affectée, ce qui se répercutera sur les générations suivantes.
Certains auteurs suggèrent également de ne pas traiter simultanément tous les animaux du troupeau, ce qui offre aux insectes d’une zone donnée l’accès à des excréments exempts de résidus de traitement.
Enfin, il faudra se rappeler que l’emploi d’antiparasitaires toxiques sous climat sec, montagnard ou méditerranéen a des conséquences plus néfastes sur les insectes non-cibles. Ceci concorde avec l’une des lois générales de l’écotoxicologie, selon laquelle un organisme est plus sensible
à un polluant s’il est déjà stressé par
certains facteurs de son environnement, par exemple des conditions climatiques rigoureuses.

1. Ce tableau ne s’intéresse qu’aux effets létaux (mortels), et non aux effets sub-létaux (ralentissement de ponte).
2. Ne concerne que les adultes fraîchement émergés.
3. Une étude montre un effet jusqu’à 12 semaines sur les cyclorrhaphes et sur une espèce de bousier.
4. La mortalité observée est beaucoup plus faible qu’avec la doramectine, l’ivermectine et l’éprinomectine.
5. Les données disponibles divergent sur ce point.
6. Une solution (liquide) « pour-on » généralement huileuse qu’on applique sur le dos de l’animal. Le principe actif agit soit en surface, soit après pénétration par voie transcutanée. Ce mode de traitement est particulièrement pratique pour les éleveurs.

En savoir plus
« Effets des antiparasitaires bovins
et équins sur les insectes coprophages », Gaël Virlouvet,
Point Vét, 2005 ; 36 (255), p. 42-45.