« J’éprouve une certaine fierté à participer à l’aménagement des sites »

 
L a parole à Jean-Michel Charpentier

Espaces naturels n°9 - janvier 2005

Pédagogie - Animation

Jean-Michel Charpentier

 

Comment êtes-vous arrivé à « Espaces », association d’insertion par l’écologie urbaine ?
C’est simple : par le biais du foyer d’insertion où je logeais depuis peu. Le médecin qui y intervenait connaissait « Espaces ». J’avais aussi vu une affiche qui parlait de l’association. Avant je vivais dans la rue et je n’avais pas accès à ces informations.
Connaissiez-vous les chantiers d’insertion, auparavant ?
J’en avais entendu parler mais je n’y avais jamais participé. J’en connaissais un peu le principe.
Aviez-vous déjà travaillé en espaces naturels ?
Jamais, mis à part dans le cadre d’un poste de nettoyage des espaces verts d’entreprise où j’ai eu un contact avec la « nature ».
La dimension espaces naturels a-t-elle fait partie de vos critères dans le choix de la structure pour poursuivre votre parcours d’insertion ?
Non, j’ai pris le premier boulot que j’ai trouvé. Mais, a priori, cela ne me dérangeait pas. Ce n’est pas un choix délibéré car physiquement, je ne savais pas si je serais apte.
En quoi consiste votre travail ?
Ce que nous faisons et qui me plaît le plus, c’est la création, l’aménagement des sites : la création de cheminement, d’escaliers, la pose de clôtures en bois… On voit concrètement le fruit de notre travail et les félicitations des responsables sont importantes. C’est ce que voient en premier les gens, les promeneurs, les visiteurs. Il y a aussi l’entretien et le nettoyage évidemment. Et puis, tout le travail de fauches, de plantations, de sélection des arbres et arbustes, de semis de prairies sauvages. On réalise aussi des abris pour les animaux.
Comparé à d’autres activités que vous avez exercées auparavant, que vous apporte spécifiquement le travail en milieu naturel ?
C’est complètement différent. Les tâches que l’on me demande n’ont rien à voir avec mes expériences précédentes. Avant, j’étais dans l’informatique ou le nettoyage industriel.
J’ai une certaine fierté à voir évoluer les sites et savoir que j’y participe à travers l’aménagement, la gestion et le nettoyage. Cela m’a apporté beaucoup de connaissances sur les plantes, les animaux, les rythmes d’intervention en fonction de la nature. Avant, j’avais une image et des idées reçues des espaces naturels que je voyais en tant qu’espaces verts.
J’éprouve également du plaisir à travailler en extérieur même si ce n’est pas toujours facile, comme aujourd’hui où il n’a pas arrêté de pleuvoir. Physiquement je me sens mieux, malgré mon appréhension du début.
Le travail en espaces naturels semble bien adapté à ma situation mais il faudrait que je sache comment cela se passe ailleurs pour l’appréhender vraiment.
Depuis que vous travaillez là, vous sentez-vous différent ?
Je ressens moins de stress, je suis à nouveau capable de me lever le matin pour aller travailler. J’ai retrouvé un rythme de vie. Ce n’était pas le cas avant. J’ai retrouvé un certain bien-être, une vigueur physique. Globalement, je me sens mieux, le chantier d’insertion est une roue de secours. Cela m’empêche de penser et surtout de faire des conneries.
Cela m’aide par rapport à mon problème d’alcool, le chantier m’oblige à être sobre pour des raisons de sécurité et de forme physique. En plus, en espaces naturels, je n’ai pas la tentation car je n’ai pas accès facilement à l’alcool.
Ce chantier a-t-il été important ?
C’est important oui, car mon projet professionnel est de devenir gardien d’immeuble. Il y a beaucoup d’entretien d’espaces verts et le chantier m’apporte un plus, des compétences supplémentaires à faire valoir.
C’est également important d’avoir un emploi pour la recherche d’un logement.
Comment avez-vous vécu ce chantier ?
Avec plaisir, ce n’est pas une corvée. Je ne me sens pas enchaîné.
L’adaptation ne m’a pas demandé beaucoup d’effort, mais j’ai la chance d’être dans une bonne équipe, cela aide pour bien s’intégrer. Mes difficultés sont venues d’autres choses, je les avais avant. Elles sont extérieures au travail.
Je travaille à mon rythme, le chantier d’insertion est adapté à ma situation. Je ne sais pas si je serai capable de travailler tout de suite dans une entreprise plus classique.
Pensez-vous que ce travail dans
les espaces naturels induit d’autres relations avec vos collègues ?
Non, je ne crois pas que les relations soient différentes. Je n’ai jamais eu de problème d’intégration, j’ai toujours travaillé en équipe. Il y a une très bonne ambiance mais je ne pense pas que cela soit spécifique au travail en espaces naturels. En fait, comme on est tous logés à la même enseigne, on s’entraide beaucoup, on se motive les uns les autres. Il y a moins de stress, pas de concurrence entre nous, on a un projet commun.
Vers quelle activité ou formation
vous orientez-vous maintenant ?
Mes choix n’ont pas changé, mais cette expérience est un plus. Je ne veux pas poursuivre dans les espaces naturels car c’est physiquement trop dur. Mais si j’avais été plus jeune : oui ! C’est difficile à mon âge, avec mon parcours, de se réorienter vers ces métiers-là.
Quel bilan tirez-vous de l’expérience ?
L’activité m’a permis de me stabiliser, de repartir de l’avant, d’avoir des projets.

Recueilli par Alexandre Wolff