En mer

Peut-on faire du génie écologique ?

 

Espaces naturels n°9 - janvier 2005

Le Dossier

Frédéric Bachet
Parc marin de la Côte bleue

 

La construction de récifs artificiels est-elle souhaitable ? Éthiquement satisfaisante? Débat…

On peut faire du génie écologique en mer. Depuis cinquante ans, le Japon a d’ailleurs poussé la logique assez loin. Le pays du Soleil levant a immergé près de 20 millions de m3 de récifs artificiels entre le rivage et des fonds supérieurs à 200 mètres. Le but étant d’adapter ces structures aux besoins des pêcheries. Mais une utilisation aussi spécialisée du milieu marin côtier n’est pas sans rapport avec le lien culturel qu’un peuple entretient avec la mer. Il est lié également à son niveau de dépendance à l'égard des protéines d'origines marines et s’inscrit dans un contexte législatif de la gestion du domaine maritime. Mais que penser de ces aménagements sous-marins ?
Parfois perçus comme un pis-aller pour lutter contre des techniques d'exploitation qu'aucune autorité ne se révèle en mesure de faire cesser, les récifs artificiels peuvent aussi être des outils. Certaines catégories d'Aires marines protégées peuvent en user pour atteindre des objectifs durables dans le contexte fluctuant de la gestion du milieu marin côtier et du partage des compétences sur cet espace.
En France (la plupart des réalisations sont méditerranéennes), les récifs artificiels sont restés principalement à un stade expérimental. Comme partout (sauf aux USA), ils sont financés sur fonds publics. Le débat sur leur rôle écologique, leur fonctionnement entre simple concentration et réelle production de ressources et sur l'attribution de la ressource générée à une catégorie (les pêcheurs professionnels est loin d'être clos.
En Méditerranée, la plupart des réalisations espagnoles (100 000 m3), italiennes (100 000 m3) et françaises (44 000 m3) confère à ces structures un certain rôle de protection contre les arts traînants tel le chalutage côtier illégal, qu'aucune autorité n'arrive à empêcher. En évitant la destruction par ces engins d'habitats prioritaires comme les herbiers de posidonie et les zones coralligènes, en préservant les zones de fraye, en favorisant en zone côtière des techniques de pêche plus sélectives, ces structures ont alors un rôle autant écologique qu'économique.
D'ailleurs, l'organisation concertée de l'espace qui préside à leur installation ne pourrait-elle pas être considérée, de fait, comme la préfiguration d'une Aire marine protégée ?