Languedoc-Roussillon

Une galerie éphémère pour sensibiliser à la nature

 

Espaces naturels n°48 - octobre 2014

Pédagogie - Animation

Olivier Scher
Conservatoire d’espaces naturels du Languedoc-Roussillon

Toucher de nouveaux publics ? Notamment un public urbain ? Pas simple. Le street-art s’est avéré un bon moyen pour faire venir des amateurs d’art sur un territoire protégé et lui faire découvrir que la nature aussi peut être source d’inspiration.

Wobe © Olivier Scher - Cen LR

Sensibiliser le public à la conservation de la nature et à notre travail de gestionnaire d’espaces naturels demande beaucoup d’énergie pour un résultat souvent peu convaincant. Ceci est d’autant plus vrai quand on cherche à toucher un public moins habitué à fréquenter nos espaces, tel que le public citadin. Or dans le contexte actuel de défiance vis-à-vis de l’utilité d’investir dans la conservation des espaces naturels, il n’a jamais été aussi important d’élargir le cercle des personnes à toucher et à sensibiliser afin d’assurer une meilleure prise en compte des enjeux présents sur un territoire donné. Partant de ce constat, nous nous sommes lancés dans l’organisation d’un événement culturel intégré à un événement environnemental.

"Les gens venaient avant tout pour la galerie plutôt que pour l'aspect environnementaliste."

Ce projet est d’abord né dans la tête de deux photographes, Cahuate Milk (1) et moi-même (2), à la suite d’un premier travail photographique réalisé sur le site protégé des Salines de Villeneuve, situé à quelques kilomètres au sud de la ville de Montpellier. Ce site, propriété du Conservatoire du littoral depuis 1992 présente la particularité d’être un ancien site industriel, à savoir un salin, exploité jusqu’à la fin des années 60 puis abandonné pour des raisons de rentabilité. Ce site, géré dans un premier temps par la commune de Villeneuve- les-Maguelone a vu sa gestion transférée au Conservatoire d’espaces naturels du Languedoc-Roussillon en 2009 qui s’appuie sur trois co-gestionnaires : le Siel (syndicat des étangs littoraux), Thau agglomération et la commune. D’une superficie de 292 ha, le site des Salines comprend aussi bien des zones humides (principalement saumâtres) que des prés salés, des sansouïres et un certain nombre de bâtiments, vestiges de l’exploitation passée du site. Parmi ceux-ci se distinguent d’anciens logements d’ouvriers des salins (appelés sauniers) dont l’état permettait d’envisager une mise en valeur, un projet à moyen terme consistant à les restaurer.
Ces bâtiments présentaient des caractéristiques favorables à leur occupation par des productions artistiques : de grandes pièces moyennement dégradées et un bon état général permettant d’envisager l’accueil du public sans risques. Une fois le lieu déterminé, il restait à définir une date et une durée pour cet événement. Souhaitant avant tout mettre en lumière le site et le travail de ses gestionnaires, il nous est apparu opportun de s’appuyer sur un événement d’ampleur répondant aux caractéristiques du site. C’est donc assez naturellement que nous avons choisi la Journée mondiale des zones humides (JMZH), célébrant chaque 2 février, la signature de la convention de Ramsar. Cette date présentait également l’avantage de se situer dans une période assez pauvre en événements culturels et les JMZH représentant un véritable casse-tête pour les gestionnaires qui ont peu de choses à montrer sur leurs sites à cette période. Le choix du format a également répondu aux caractéristiques du site : aspect industriel, proximité de Montpellier et période plutôt favorable aux événements en intérieur.

Nous avons donc choisi de créer une galerie éphémère, uniquement ouverte pendant le week-end des JMZH, dans laquelle seraient exposées des oeuvres photographiques, de l’illustration et du street-art (graffiti, collage) en lien avec le site, les zones humides ou le thème choisi par Ramsar chaque année. Notre objectif étant double : amener sur le site un public citadin peu concerné par les espaces naturels et favoriser la découverte d’artistes contemporains locaux auprès des usagers du site, pour certains moins coutumiers des galeries d’art. Ainsi est née la première édition de la Galerie éphémère le 2 février 2013 qui a rassemblé les oeuvres de 7 photographes, un graffeur et un illustrateur. Reposant sur le bénévolat (à la fois de la part des artistes et des gestionnaires du site), cet événement a permis de rassembler près de 500 personnes sur les deux jours d’ouverture, démontrant l’intérêt pour le public de ce type de manifestation. Néanmoins, nous nous sommes rapidement aperçus que les gens venaient avant tout pour la galerie plutôt que pour l’aspect environnementaliste de l’événement. En outre, notre communication n’ayant été assurée que par le biais des réseaux sociaux, nous n’avons pas forcément touché l’ensemble des publics potentiels. Ces constats nous ont permis de mieux préparer la seconde édition, en février 2014, en reliant de manière beaucoup plus sensible les oeuvres présentées à l’histoire du site et en créant des liens plus forts avec ses gestionnaires (sorties commentées de moins de deux heures, accueil des gens avec des boissons, expositions et films environnementaux tournant en boucle dans le bâtiment d’accueil). Cette édition a accueilli les oeuvres de 6 photographes, 3 street-artistes et une illustratrice ainsi que 1000 visiteurs enthousiastes pendant les 3 jours que durait l’événement. Les retours ont été très positifs, à la fois sur la qualité artistique de l’exposition mais également sur ce que les gens ont appris sur les zones humides au cours de leur visite.

Avec le recul, nous pouvons identifier quelques points clés de réussite d’un tel événement :
Développer localement un réseau d’artistes, les rencontrer tout au long de l’année,
Impliquer dès le début l’équipe de gestion et le propriétaire (autorisations, sécurité, stratégie de stationnement, animations, etc.),
Prendre en charge les dépenses des artistes (tirages des photos, achat de la peinture, de matériel, etc.),
Identifier des médias clés pour communiquer (journal local avec supplément week-end, créer un événement facebook),
Ne pas négliger l’accueil du public (boissons chaudes et froides, mot de bienvenue, leur expliquer succinctement où ils sont et dans quel cadre).
En conclusion, il nous semble que cet événement a un réel impact en termes de sensibilisation d’un public non ciblé habituellement par nos actions. En effet, la motivation du déplacement sur le site pour un événement culturel original nous permet d’interagir plus facilement avec ce public « captif » qui se trouve plus disponible pour accueillir ce que nous avons à lui transmettre. De notre côté, nous sommes convaincus par la démarche et avons commencé à préparer la prochaine édition.