Le drone, outil ou gadget ?

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Méthodes - Techniques

Virginie Sibert, EcOceanoDrone
Olivier Scher et Mathieu Bossaert, CEN Languedoc-Roussillon

Survols interdits, panique dans les villes ou au-dessus des centrales… Mais que se passet- il au-dessus de nos têtes ces derniers mois ? Petit, rapide et maniable, le drone semble paré de beaucoup d’atouts. Par contre, son utilisation demande une formation pointue et répond à une réglementation stricte. Alors, un vrai bon plan pour les gestionnaires ?

Exemple d'image obtenue lors du survol d'une colonie de mouettes dans l'Hérault.

Devenir utilisateur de drone ne relève pas (théoriquement) de l’achat seul d’un drone et du capteur embarqué, même si à ce jour, rien n’oblige à passer par une formation dans un centre spécialisé. Le télé-pilote1 sûr de lui peut d’ailleurs s’auto-délivrer une DNC2 avec ou sans formation à l’appui (cependant la loi évolue et à terme une formation où tout au moins un test sera probablement exigible pour attester de sa capacité à piloter). Quand on est professionnel par contre, on se doit de respecter l’arrêté du 11 avril 2012. Une formation théorique, prolongée par de la pratique, est la première étape à passer pour devenir télé-pilote. À l’heure actuelle c’est le théorique ULM3 qui est suivi, un théorique dédié aux drones devant être mis en place dans un futur proche.

Ensuite, il est temps de se confronter aux aspects administratifs. Le drone professionnel français exige de la part du futur utilisateur qu’il dépose un MAP4 auprès de la DGAC5. Ce MAP permet l’homologation du ou des télé-pilotes concerné(s) - impliquant les aspects théoriques et pratiques évoqués précédemment - et du ou des drones télé-piloté(s). Chaque détail concernant le drone à homologuer y est alors indiqué, en particulier son immatriculation. Une fois le MAP accepté, il est alors temps de commencer ! Quoique… Car pour satisfaire aux conditions d’utilisation, il faut respecter deux grandes règles :

• prendre connaissance du scénario- type concerné dans la zone de vol envisagé (ci-dessous),

se référer aux règles de l’air (circulation aéronautique) en vigueur dans cette même zone.

Au nombre de quatre, ces scénarios permettent d’identifier les différents cas d’utilisation possibles d’un drone en fonction des paramètres d’altitude, de distance et d’habitat.

Concrètement, les scénarios S1 et S2, qui sont dédiés aux zones situées hors agglomérations, sont les plus largement usités. 

A contrario, le S4 n’est pour ainsi dire pas mis en oeuvre car il nécessite d’être pilote d’avion et d’avoir à son actif plus de 100h de vol, ce qui en fait un cas d’exception.
Le scénario S3, réservé aux zones peuplées et agglomérations est, quant à lui, soumis à des consignes particulières. Entre autres, le poids du drone (masse totale) au décollage doit être inférieur à 4 kg et un parachute de secours est obligatoire.
Les différentes catégories de drones (multirotors et ailes fixes) ne peuvent pas prétendre aux mêmes scénarios de vol (cf. encadré).

Pour la préparation du vol et donc du scénario à considérer, les cartes de l’AIPDrone ou encore le site MACH7 sont des outils indispensables. Car en plus de renseigner sur les scénarios de vol, les cartes AIP-Drone représentent un véritable support aéronautique. Elles renseignent sur la proximité et les zones de passage des avions et donc sur la nécessité de prendre (ou non) contact avec le service de navigation de l’aéroport ou de l’aérodrome concerné pour un protocole de vol (et ce quel que soit le scénario de vol en question).

Une fois ces étapes finalisées, il est alors temps d’effectuer un repérage sur place ce qui permet de noter la présence d'aires de décollage/atterrissage possibles, d’obstacles, antennes, etc. Enfin, en fonction de la météo (conditions de vents raisonnables et si possible faible couverture nuageuse), la mission peut être confirmée sous 48h.

UN OUTIL MAGIQUE ?

De la simple prise de vue aérienne à la prise de vue technique, tout paraît possible. Le drone est en effet un outil très polyvalent du fait de la présence d’une nacelle sur laquelle différents types d’appareils peuvent être embarqués (GoPro, appareil photo, caméra thermique, outils de mesure variés, etc.). Néanmoins un certain nombre d’éléments doit être pris en compte. Le drone est très efficace pour un projet bien réfléchi (par exemple cartographier la végétation dans des unités de gestion précises) mais pas pour faire de la prospection aléatoire (par exemple pour le repérage et comptage de colonies d’oiseaux sur des étangs). En effet, les multirotors ont une durée de vol limitée (15 minutes tout au plus) qui peut nécessiter de nombreux allers-retours entre la zone d’envol et le site d'étude à proprement parler pour mener à bien la mission. L’aile fixe quant à elle n’est pas suffisamment maniable comme outil de prospection. Les drones en général, sont largement sensibles aux conditions météo (vent et pluie), pouvant empêcher la réalisation de vols aux moments les plus opportuns. L’utilisation du drone pour des comptages d’oiseaux dans des secteurs difficiles d’accès est aujourd’hui au stade expérimental afin d’en évaluer l’intérêt et le coût, comparativement à d’autres méthodes de survol que le drone ne se vante pas de remplacer (ULM, autogire).

ET LE DÉRANGEMENT ?

De la même manière que les autres aéronefs, le drone est une source potentielle de dérangement pendant les périodes de nidification, mais aussi de repos, des nombreuses espèces présentes dans les sites naturels.
À ce titre, la législation qui s’applique est celle des règles de l’air : interdiction de voler à moins de 150 m d’altitude par rapport au sol. De plus, certaines réserves interdisent leur survol ou le limitent à une certaine altitude. La question de l’autorisation du drone est aujourd’hui en débat au sein du Conservatoire du littoral et pourrait aboutir à une interdiction pure et simple de leur utilisation sauf dans le cadre d’expérimentations encadrées.

1 Nom d’usage donné au pilote de drone
Déclaration de niveau de compétence
3 Ultra légers motorisés
4 Manuel d’activités particulières 5 Direction générale de l’aviation civile