Nature sans voiture

Douce itinérance

 

Espaces naturels n°63 - juillet 2018

Accueil - Fréquentation

Le Réseau des Grands Sites de France (RGSF) a lancé « Escapade nature sans voiture ». L'objectif : promouvoir une expérience de découverte authentique et immersive, tout en favorisant la transition énergétique et touristique.

Sans voiture, les visiteurs peuvent accéder à des sites uniques. Ici, le cirque de Navacelles, en région Occitanie, dans la région méridionale des Grands Causses.

Sans voiture, les visiteurs peuvent accéder à des sites uniques. Ici, le cirque de Navacelles, en région Occitanie, dans la région méridionale des Grands Causses.

Découvrir en profondeur les paysages exceptionnels et le patrimoine des Grands Sites de France par des modes de déplacement doux (à vélo, vélo électrique, à pied, en transport en commun, en train, etc.), tel est l’objectif de l’initiative «  Escapade nature sans voiture  ». Plutôt que d’offrir un nouveau produit touristique «  clé en main  », il s’agit d’encourager des formes de mobilité durable qui soient également une source d’expérience nouvelle et séduisante pour les visiteurs. Chaque escapade se caractérise par un séjour de deux ou trois jours sur un Grand Site, hors saison, testé et réalisé sans voiture depuis son domicile, y compris pour l’accès au site. Surescapadenature-sansvoiture.fr, site internet animé par le RGSF, le visiteur peut s'inspirer de carnets de voyage relatant chacune des escapades pour construire son propre séjour. Il y trouve également une sélection d'activités pour découvrir le territoire autrement (visite de la criée du port d'Erquy au petit matin, observation des phoques en baie de Somme, etc.), ainsi qu'un renvoi vers les sites internet du territoire pour obtenir plus d'informations pratiques (lignes de bus, coordonnées des offices de tourisme, des loueurs de vélo, etc.). Le public ciblé par ce projet est principalement urbain, sans voiture, jeune ou retraité actif.

 

TEST « GRANDEUR NATURE »

Chaque escapade nature sans voiture a été conçue et réalisée par Pierre, « escapadeur » missionné par le RGSF, en concertation avec le Grand Site. Outre la crédibilité donnée aux propositions et leur valeur d'exemple, ce test « grandeur nature » s'est révélé riche d'enseignements tant sur la pertinence des escapades que sur les conditions de leur réalisation. Alors que certains sites n'avaient pas conscience du potentiel de leur territoire en matière d'itinérance douce, d'autres ont réalisé qu'ils avaient des marges de progression pour proposer un séjour 100% sans voiture. Les principaux freins identifiés lors de ces tests sont les temps d'attente parfois très longs entre les correspondances train-bus, certains territoires mal desservis pour rejoindre les cœurs de sites, les déplacements infra-site, l'accessibilité des lieux d'hébergement difficile sans voiture, le manque d’aménagements pour entreposer et/ou sécuriser un vélo, la priorité donnée aux voitures dans les déplacements (routes partagées voiture/vélo ou piéton dangereuses, revêtement non adapté pour des vélos ou randonneurs).

 

ADOPTER UNE VISION TERRITORIALE

À ce jour, sur 14 escapades testées, 11 ont été valorisées. Celles qui n'ont pas été concluantes (mode de transport choisi non adapté à la singularité du site, faible disponibilité des hébergements hors période estivale, nombreuses ruptures de continuité dans l'itinérance à pied ou en vélo, etc.) ont fait l'objet d'un retour détaillé aux sites concernés avec des pistes d'amélioration. Les autres ont bénéficié d'une certaine visibilité (retombées presse qualitatives, visites sur le site internet dédié, etc.) notamment grâce au relais assuré par les gestionnaires et leurs partenaires. Ces premières escapades ont permis d'amorcer une dynamique auprès des Grands Sites testés afin d'étoffer leur offre en matière de tourisme durable et d'écomobilité, tout en créant du lien avec les prestataires du territoire. Par exemple, suite au test, il est désormais possible de louer un vélo électrique en un point du cirque de Navacelles (Hérault et Gard) et de le rendre à un autre point. En 2018, le projet va plus loin avec un itinéraire à l'échelle de trois Grands Sites (cirque de Navacelles, gorges de l'Hérault et Salagou et cirque de Mourèze) et met en avant des acteurs engagés dans le tourisme durable (hébergeurs, etc.). Le projet a également souligné la nécessité d'appréhender l'itinérance douce avec une vision territoriale. Cela passe par une gouvernance élargie et une mise en réseau des partenaires concernés (transport, collectivités locales, socioprofessionnels, offices de tourisme) afin de proposer des solutions aux freins identifiés (saisonnalité de l'offre, navette pour aller chercher les visiteurs à la gare ou à l'arrêt de bus, transport de bagages, mise en place de navettes à des tarifs incitatifs, etc.).

Pour inviter à la découverte sans voiture des territoires protégés, trois points sont apparus importants à prendre en compte  : (i) l'information disponible pour organiser son séjour avant et pendant sa réalisation. Cette information doit être globale et à l'échelle du piéton ou du cycliste ; (ii) la dimension du site concerné. S'il apparaît facile de découvrir sans voiture les différents aspects d'un site de petite dimension comme le site de Solutré-Pouilly-Vergisson, qu'en est-il d'un site de grande dimension comme le puy de Dôme et la chaîne des puys ? La réponse tient dans la capacité de découvrir ce qui fait l'esprit des lieux dans un périmètre accessible sans voiture. Au Puy de Dôme où l'esprit des lieux est lié au volcanisme, la solution a résidé dans le choix d'un itinéraire significatif des éléments principaux de compréhension du paysage lié à ce thème. En revanche, sur certains sites, il n'a pas été simple d'imaginer une escapade qui permette de découvrir toutes les facettes du site faute de moyens de déplacements doux adaptés  ; (iii) la flexibilité du programme. L'absence de voiture rend plus contraignants les inévitables aléas de la météo. Sur un week-end, il peut arriver que la pluie soit présente l'essentiel du temps et il faut alors pouvoir imaginer, sur place, un autre programme.

Pierre Le Douaron, missionné par le Réseau des Grands sites de France pour concevoir et réaliser les escapades Nature sans voiture.

 

ÉLOGE DE LA LENTEUR

La plupart des Grands Sites de France, comme nombre d'espaces naturels protégés, sont des territoires très fréquentés et parfois difficilement desservis, confrontés aux problèmes de très forte pression des voitures (pollution, stationnements sauvages, nuisances sonores, saturation, etc.). C’est pourquoi ils cherchent à réduire l’impact de la fréquentation et à limiter la présence des voitures, tant d’un point de vue environnemental et paysager que dans un souci de proposer une autre forme de tourisme.

Depuis plusieurs années, cette approche fait l'objet d'initiatives inspirantes telles que Mountain Wilderness qui a lancé «  Changer d'approche  » avec des sorties sans voiture ou encore le comité régional du tourisme de Bretagne, qui s'est engagé, depuis longtemps, sur le tourisme responsable et a proposé «  En Bretagne sans ma voiture  » un ensemble d’idées de séjours sans voiture. Inspirées du « slowtourisme », ces escapades contribuent à changer nos pratiques de voyage vers un tourisme d'immersion dans le territoire. Cette approche concerne tous les gestionnaires d'espaces naturels désireux de promouvoir un tourisme durable et écomobile.