Le confinement, une parenthèse à garder en tête

 

Espaces naturels n°72 - octobre 2020

Forum professionnel

Bénédicte Lefèvre, écologue membre de l’AFIE, blbenedictelefevre@gmail.com

Tour d’horizon des conséquences du confinement dans le domaine des aires protégées.

Les organismes ayant eu recours au télétravail ou au chômage partiel ont interrompu leurs activités de terrain.   © Manny Pantoja - Unsplash

Les organismes ayant eu recours au télétravail ou au chômage partiel ont interrompu leurs activités de terrain.   © Manny Pantoja - Unsplash

Le confinement a connu plusieurs phases, depuis sa mise en oeuvre le 17 mars jusqu’au 11 mai 2020. Les conséquences de cette « pause » ont été diverses sur l’activité menée dans et par les aires protégées. Certaines structures, rendant le télétravail exclusif quand il était possible ou ayant recours au chômage partiel à défaut, ont interrompu l’ensemble de leurs activités de terrain, tant les suivis écologiques que les travaux de gestion. Si l’arrêt de l’activité a été de fait rendu obligatoire pour les bénévoles, les dérogations de sortie ne pouvant leur être appliquées, les travaux et suivis de terrain restaient possibles pour les salariés sous réserve de respecter les gestes barrières et les règles annoncées. Dans certaines aires protégées, c’est le caractère impératif ou non des suivis et des
travaux qui a été croisé avec les moyens en personnel. « Le confinement n’a pas transformé notre activité, mais il a retardé le programme des travaux touristiques (entretien des aires de pique-nique et
des pistes cyclables, mise en sécurité des chemins, etc.) », précise ainsi Guillaume Simon, technicien forestier à l’Offi ce national des forêts en Vendée. Lorsqu’ils étaient assurés par des prestataires,
les travaux et suivis ont pour la plupart été menés. Il n’en demeure pas moins qu’une absence ponctuelle de données précieuses, liées au printemps, marquera la période de confi nement et que des inventaires ont du être annulés ou reportés, avec les biais associés. « D’ordinaire, nous effectuons les relevés de certaines espèces sensibles entre avril et juin, avant l’arrivée des touristes. Cette année, ces inventaires ayant été décalés, la présence des promeneurs sur les plages risque d’altérer nos relevés », poursuit Guillaume Simon. Cette expérience doit permettre d’anticiper d’éventuelles nouvelles phases de confi nement, par une révision des modalités de suivis (équipes mobilisées, autorisation du recours aux bénévoles, etc.).

ATTEINTES ACCRUES
La baisse de surveillance sur le terrain en début du confi nement s’est parfois accompagnée d’une hausse des incivilités et des fraudes malgré une fermeture quasi-totale des sites protégés. Après ce constat, les actions de contrôle et de surveillance ont été renforcées. Parmi les incivilités, ont été repérés les dépôts sauvages d’ordures, chiens non tenus en laisse, feux, activités sportives illicites (nouvelles voies d’escalade ouvertes, etc.), rave-parties... Dans les espaces agricoles, ce sont les arrachages de haies, le retournement de prairies permanentes sans autorisation ou encore des utilisations non conformes de produits phytopharmaceutiques qui ont pu être constatés, notamment par les services de l’OFB. Dans le cadre d’une enquête menée par la Fédération des Parcs naturels régionaux (PNR) de France auprès des PNR, dix-sept d’entre eux ont en revanche estimé que les atteintes à la biodiversité de leurs territoires avaient été plus faibles pendant le confi nement par
rapport à la même période des années précédentes. quinze PNR ont observé que les atteintes avaient été équivalentes (certaines atteintes en hausse pouvant être compensées par d’autres en baisse).
La plupart des sites naturels ont en effet bénéficié d’une tranquillité exceptionnelle pendant le confinement, favorable à l’expression de la biodiversité en cette période printanière : développement de végétaux dont les jeunes pousses n’étaient plus soumises au piétinement, reproduction des oiseaux sur les plages, etc. L’alerte des associations, des gestionnaires et des services de l’État a incité des élus à signer des arrêtés interdisant ou limitant l’accès aux espaces naturels jusqu’à la fin de la période sensible. Les axes routiers ont également connu une fréquentation très limitée, réduisant la mortalité routière de la faune sauvage. En ce qui concerne la communication, il est évident que l’arrêt des visites, festivals, animations, avec les scolaires notamment, etc., a pu être préjudiciable à la diffusion des messages en matière d’éducation à l’environnement. De la même manière, certains partenariats ont pu se trouver menacés, parce qu’ils étaient naissants ou que les interlocuteurs étaient difficiles à joindre… À l’inverse, le confinement a favorisé dans d’autres cas la création de nouvelles logiques de travail, rapprochant des publics. Les initiatives de sciences participatives ont ainsi rencontré un écho favorable et se sont renforcées pendant le confinement. « Nous avons mobilisé notre réseau de bénévoles via les réseaux sociaux, en les invitant notamment à exhumer les données d’observations inscrites dans leurs carnets de terrain, explique Rudy Pischiutta, directeur du groupe ornithologique et naturaliste du Nord-Pas-de-Calais, Les naturalistes en ont notamment profité pour s’intéresser à des taxons qu’ils suivaient assez peu jusqu’à présent, comme celui des arthropodes. » Entre mars et mai, Claire Blaise, administratrice du Système d'information régional sur la faune Nord- Pas-de -Calais note une « augmentation de 24 % du volume de données saisies si l’on compare les résultats de 2020 à la moyenne des 3 années précédentes, et une augmentation de près de 900 % si l’on considère uniquement les données historiques (date de saisie - date d’observation > 365 jours) ». À l’inverse, la médiatisation du lien entre l’origine de la pandémie et les chauves-souris en Chine a généré des inquiétudes chez certains propriétaires à la vue, dans leur maison, de chauves-souris prenant possessionde leurs gîtes printaniers.