Sciences participatives : observer les dessous des sols

 

Espaces naturels n°72 - octobre 2020

Le Dossier

Stéphanie Belaud

De la sensibilisation à l’acquisition de données, diverses initiatives existent pour amener les citoyens à prendre conscience de l’importance des sols et à en prendre soin collectivement.

L'opération « Plante ton slip » consiste à enterrer un slip 100 % coton pendant deux mois. Plus il est dégradé, plus l’activité biologique du sol a été importante.    © A. Pierart

« Plante ton slip » et il te dira quel sol tu as… Le 5 décembre 2019, journée mondiale des sols, l’opération « Plante ton slip » - auparavant déployée en France, comme dans d’autres pays, par et pour le secteur agricole - a été lancée par l’Ademe en direction de l’ensemble des citoyens français. « Par cette action pérenne et un peu décalée, nous voulons faire parler des sols, amener les citoyens à s’éveiller à la vie des sols et à leur intérêt, voire à changer leurs pratiques », explique Antoine Pierart, ingénieur et référent de l’opération à l’Ademe. Dans cette expérience collective, les participants
sont invités à déposer une photo du slip déterré - et dégradé - sur une carte interactive1. Comptant sur le relai des réseaux sociaux, l’enjeu est d’interpeller le citoyen par une expérience ludique pour l’informer sur l’importance de protéger les sols. L’étape suivante ? Encourager les citoyens comme les agriculteurs à contribuer à l’acquisition de connaissances sur les sols. C’est l’enjeu des observatoires participatifs tels que l’Observatoire agricole de la biodiversité (OAB), initié en 2010 par le ministère chargé de l’agriculture, ou l’Observatoire participatif des vers de terre (OPVT) créé en 2011 par l’université de Rennes. L’OAB s’appuie ainsi sur cinq protocoles standardisés dont l’un est dédié à la biodiversité des vers de terre. Mis en oeuvre par les agriculteurs eux-mêmes, le protocole dit « test moutarde » consiste à faire remonter les vers de terre en surface, en versant de l’eau moutardée sur le sol, afi n de les identifier2 et les compter. « Associées à la description de la parcelle et de l’itinéraire technique utilisé, ces données transmises par l’agriculteur alimentent la base de données de l’OAB. L’analyse statistique de la masse de données ainsi récoltées permet de corréler la biodiversité des vers de terre avec les diverses pratiques agricoles (le labour par exemple) et de dégager de grandes tendances », commente Nora Rouillier, chargée de mission OAB au Muséum national d’histoire naturelle. Au-delà, ces données contribuent à produire des indicateurs de qualité des sols qui orientent les politiques en faveur de la transition écologique. Elles apportent aussi aux agriculteurs une meilleure connaissance de l’intérêt de la biodiversité pour maintenir les services écosystémiques des sols (structuration, fertilité, etc.). Des bilans nationaux, publiés sur le site de l’OAB, présentent chaque année les résultats obtenus dont ceux du protocole vers de terre (composition de la communauté d’espèces par grands types de culture par exemple). Impliquer les citoyens dans le recueil de données, c’est aussi ce que le Parc naturel régional (PNR) d’Armorique a souhaité pour élaborer son projet de trame brune (voir page 28). Afi n de réaliser, comme préalable, un état des lieux de la biodiversité en vers de terre sur son territoire, le PNR, avec l’appui de l’OPVT, s’est associé aux propriétaires d’une dizaine de sites : terres agricoles appartenant au syndicat de bassin, espace naturel sensible de Menez Meur, parcelle communale aménagée en verger conservatoire, etc. « Tout est prêt pour démarrer en février prochain, époque la plus propice pour les vers de terre. Dans un premier temps, ce sont des agents du Parc, formés au protocole de l’OPVT, qui réaliseront les inventaires. Mais notre but à terme est d’encourager une appropriation locale pour démultiplier les sites étudiés et la quantité de données récoltées », précise Estelle Cléach, chargée de mission Trame verte et bleue du PNR. Avec cette démarche, le PNR compte étendre son projet de trame brune en mobilisant de nouveaux acteurs concernés par l’état des sols. Il vise aussi à contribuer à l’objectif de l’OPVT : développer des référentiels nationaux reliant l’abondance et la richesse taxonomique lombriciennes aux différents contextes pédoclimatiques et d’usages des sols.

(1) maps.sumwhere.co/?theme=902
(2) Il existe trois groupes de vers de terre qui remplissent chacun des fonctions différentes dans le sol : les épigés, les anéciques, les endogés, qui vivent respectivement à la surface, dans l’ensemble du profil du sol, en profondeur.

Aller plus loin
• Opération « Plante ton slip » : www.ademe.fr/ plante-slip
• OAB : www.observatoire-agricole-biodiversite.fr
• OPVT : bit.ly/ecobiosoil-univ-rennes