Un terrain agricole reconverti en espace naturel
Espaces naturels n°37 - janvier 2012
Bruno Cossement
Eden62
Christian Ringot
Eden62
Dominique Derout
Eden62
À l’est du Pas-de-Calais renaît le Grand marais : une zone humide sur la commune d’Étaing. Modalités de reconquête d’un espace agricole.
Avec ses dix hectares, le Grand marais d’Étaing n’est pas si grand que cela. Cet ancien marais tourbeux fut asséché pour y développer une agriculture intensive de maïs, blé et betterave à sucre. Dans les années 1980 pourtant, cette zone est incluse dans une Znieff de type II. Et, quand en 1994, le conseil général du Pas-de-Calais et la commune d’Étaing en font l’acquisition, c’est pour le convertir en un espace naturel sensible.
En quinze ans, le site est passé d’un contexte agricole accueillant soixante-quinze espèces de plantes à un espace naturel comprenant cent soixante-treize espèces, dont deux protégées au niveau régional.
Réhabilitation. Les travaux sont entrepris en 1998. Ils consistent à retrouver un milieu plus humide pour favoriser l’apparition de prairies hygrophiles. L’ancien système de drainage mis en place pour le développement des cultures est supprimé : les sorties de drains vers les fossés entourant le site sont neutralisées. La végétation spontanée est ensuite entretenue par fauche exportatrice une à deux fois par an. Une mare de 5 600 m2 est également créée pour l’accueil des amphibiens et des oiseaux d’eau.
Entretien et maintenance. Cinq ans plus tard, des végétations de mégaphorbiaies et de prairies à joncs se sont développées et deviennent difficiles à gérer du fait de l’apparition d’espèces ligneuses comme le saule blanc. Cet état de fait entraîne une augmentation des coûts d’entretien. La solution réside dans le pâturage. Une clôture est mise en place et deux vaches Highland cattle sont installées sur 80 % de la surface du site. Mais, très vite, la réponse de la végétation montre que la charge de pâturage n’est pas assez importante. Elle sera donc triplée pour permettre une restauration optimale des végétations, lesquelles connaissent une dynamique importante (cf. schéma).
C’est un travail avec le Centre régional des ressources génétiques (CRRG) qui permet d’installer et de valoriser deux races locales : la vache Rouge flamande (six individus) et le cheval Trait du Nord (deux individus). Cinq individus de vache Holstein sont également mobilisés.
Vitesse de croisière. Au fil des ans, la charge de pâturage est progressivement diminuée du fait de la baisse du niveau trophique des prairies. Le fait de travailler avec des éleveurs locaux apporte d’ailleurs la flexibilité nécessaire à ces variations de charge.
Actuellement, les vaches Highland sont accompagnées d’une jument Konik polski. Cette solution permet une complémentarité des types de pâturage des végétations. Des Rouges flamandes pâturent deux enclos nouvellement créés. La charge de pâturage moyenne annuelle est maintenue à 0,3 UGB/ha/an.
Le reste de la gestion consiste en une fauche exportatrice tardive (une seule fois en septembre) des mégaphorbiaies à cirse maraîcher, ainsi qu’en une taille des saules têtards.
En 2005, une nouvelle mare de 2 000 m2 est créée afin d’augmenter la capacité d’accueil des amphibiens. Quatre ans plus tard, le crapaud commun y abonde, mais c’est la découverte d’une station de potamot coloré qui attire l’attention. Cette plante, protégée au niveau régional, avait disparu de la vallée de la Sensée depuis 1909. Sa réapparition s’explique probablement par la remise à jour d’une banque de graines de l’époque des marais. Des étrépages à 10, 20 et 30 cm de profondeur ont été entrepris récemment à proximité afin de confirmer cette hypothèse.
Perspectives. En 15 ans, le site a donc vu une augmentation de la diversité floristique de 133 %. Quant à la faune, elle s’est, elle aussi, diversifiée et les communautés ont évolué vers des espèces typiques des prairies humides, comme l’indique la présence du criquet conocéphale des roseaux, des dix-huit espèces d’odonates, ou encore du vanneau huppé. Le deuxième plan de gestion du site a vu le jour en 2010. Il met l’accent sur la gestion des facteurs extérieurs en interaction avec le Grand marais, comme la pollution des zones humides résultant de l’apport d’intrants chimiques et organiques dans les cultures environnantes. •
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