SRCE, où en est-on ?

 

Espaces naturels n°47 - juillet 2014

Aménagement - Gouvernance

Propos recueillis par Aurélien Daloz
Aten

Les Schémas régionaux de cohérence écologique seront en grande partie adoptés d’ici la fin de l’année, et en totalité en 2015. Ils résultent d’un processus d’élaboration de plusieurs années, depuis le diagnostic initial et la caractérisation des enjeux, l’identification de la Trame verte et bleue régionale, l’élaboration du plan d’actions jusqu’aux phases de consultations officielles avant validation du schéma. Les gestionnaires d’espaces naturels s’y investissent, y trouvant notamment une nouvelle façon d’intégrer la protection de la nature dans l’aménagement du territoire.

Point sur la démarche en Rhône- Alpes avec Fabien Billaud (CEN Rhône-Alpes(1)) et Raphaël Quesada (Association Lo Parvi(2)).
 

Quelles étaient vos attentes, en tant que gestionnaire, quant à l’élaboration du SRCE ?
Fabien Billaud - Le SRCE constitue un virage réglementaire, ce qui apporte une réelle plus-value, notamment en ce qui concerne l’implication des élus. C’est aussi une thématique qui permet aux gestionnaires de fédérer autour de la prise en compte de la biodiversité. On sort du discours habituel de sensibilisation sur les espèces remarquables qui ne trouve pas toujours un écho. Cela donne du sens aux espaces protégés auprès des acteurs locaux : on réussit ainsi à ancrer durablement nos projets dans l’aménagement du territoire et la société de manière générale.
Raphaël Quesada - L’objectif était pour nous de mettre les données précises de l’association à disposition de l’équipe régionale en charge de l’élaboration du SRCE. Cependant, au regard de la nécessaire harmonisation des données, il a fallu faire des compromis, et une partie seulement du travail de Lo Parvi a été intégrée. Malgré notre frustration, l’ensemble de ces données est aujourd’hui mis à disposition par la Région auprès des bureaux d’études et collectivités dans le cadre de l’élaboration des documents d’urbanisme. En parallèle et avec les autres associations naturalistes (LPO, FRAPNA), la volonté était de faire apparaître la notion d’espace de perméabilité, en plus des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques. Celle-ci permet de prendre en considération le fait que les espèces sont susceptibles de se déplacer dans tous les milieux, et de distinguer les impacts irréversibles de l’artificialisation des impacts réversibles telles que les zones d’agriculture intensive.

Vous avez pu participer activement. Quelle a été votre contribution ? Qu’en tirez-vous ?

RQ - Un des points forts de la phase de concertation a été la mise en place d’un groupe technique et scientifique à l’échelle régionale réunissant agriculteurs, chasseurs, universitaires et écologues. Ce groupe s’est réuni plusieurs fois afin de définir la méthodologie d’identification des continuités écologiques. Ce travail a ensuite fait l’objet de validations en comité régional Trame verte et bleue (CRTVB). Des réunions dans chaque département ont également réuni les experts techniques et scientifiques sur le sujet. À l’issue de la phase de consultation des collectivités territoriales, nous avons fait remonter quelques ajustements dans le cadre de l’enquête publique. Au final et en toute logique, il a été plus facile de s’impliquer dans les groupes de travail qu’au sein du CRTVB, qui est cependant un lieu de permettant d’échanger, d’écouter et de partager certains points de vue avec les autres acteurs : aujourd’hui, il est important de considérer non pas uniquement les sites que nous avons en gestion, mais aussi ce qui les entoure. Et s’il ne reste que 10 % de divergences avec un partenaire, autant faire 90 % de chemin ensemble. Au cours de la concertation, il est à noter que des réticences ont émergé du monde agricole, notamment par peur d’un nouveau statut de protection sur les espaces de perméabilité. Cette méfiance s’est apaisée avec une étude menée par une école d’ingénieurs reconnue (ISARA) sur l’intérêt des infrastructures agro-écologiques et la surface qu’elles représentent pour la Trame verte et bleue.
FB - Les phases de co-construction et de concertation avec d’autres acteurs (infrastructures linéaires, carriers, collectivités, etc.) ont permis une réelle appropriation du sujet par tous, ce qui n’avait pas été le cas avec le RERA(3), qui était plus vu comme un outil de travail cartographique. Chaque acteur a aujourd’hui un intérêt dans la démarche de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques ; par exemple, les collectivités y voient un atout pour le maintien des paysages et le cadre de vie.

Quels sont les points d’amélioration à apporter ?
FB - Le SRCE première génération se base notamment sur les ZNIEFF définies au début des années 2000. Le CEN Rhône-Alpes entend donc améliorer la connaissance sur les réservoirs de biodiversité dans les années à venir. Nous souhaitons également travailler sur la capitalisation d’expériences au regard du travail que nous avons déjà réalisé dans le cadre des Contrats corridors et nous allons continuer notre accompagnement des acteurs locaux sur la mise en oeuvre (documents de planification, actions de préservation/ restauration, formations, etc.). Par ailleurs, la trame orange (pelouses sèches) et la trame agro-pastorale devront à l’avenir être mieux prises en compte qu’à l’heure actuelle, et nous pourrons là aussi apporter nos connaissances. Pour la suite, une inquiétude demeure sur le fléchage des financements vers des opérations coûteuses (notamment sur les infrastructures linéaires), car même si celles-ci sont utiles, ne vont-elles pas se faire au détriment d’opérations de préservation ou de restauration sur les espaces remarquables ?
RQ - De notre côté, nous constatons au final un manque de cohésion sur certains corridors interdépartementaux, mais ceci est aussi dû à l’échelle d’élaboration du SRCE et le travail plus fin se fera dans les documents d’urbanisme.

Quel est le bénéfice, finalement, du point de vue de vos missions ?
FB- Au-delà du seul schéma régional, la mise en oeuvre de la Trame verte et bleue au niveau local permet de faire émerger d’autres projets impliquant des acteurs avec lesquels nous n’avions pas forcément l’habitude de travailler. Ce type de démarche permet aussi de déployer de nouvelles activités : le pilier historique des CEN est la gestion des sites et un deuxième pilier est en plein développement, celui de l’appui aux collectivités.
RQ - Le bénéfice le plus important, c’est celui de la prise en compte des continuités dans les Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les Plans locaux d’urbanisme (PLU). Aujourd’hui, on est sûr que la Trame verte et bleue est prise en considération par les personnes en charge de l’élaboration de ces documents de planification. Elle en devient une « composante normale » et c’est une avancée majeure.rencontre

(1) Le CEN Rhône-Alpes gère 230 sites pour une superficie d’environ 30 000 ha.

(2) Lo Parvi assure la gestion de la RNR des étangs de Mépieu et d’une quinzaine d’Espaces naturels sensibles
(3) RERA : Réseaux Écologiques de Rhône-Alpes. Cartographie réalisée en 2009 avant la loi dite « Grenelle 2 » prévoyant l’élaboration des SRCE.