Narbonnaise

Quel degré d’interventionnisme pour quelles espèces?

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

Le Dossier

Emmanuelle Romet, 
Conservatrice RNR Île Sainte-Lucie

Dans les anciens salins de Sainte-Lucie, s'est posée la question de la place à laisser aux dynamiques naturelles. Entre objectifs de gestion et attachement au paysage, l'élaboration du plan de gestion a permis de mettre les questions sur la table.

La digue à la mer impacte la connexion entre le côté plage et le côté anciens salins.

La digue à la mer impacte la connexion entre le côté plage et le côté anciens salins. © Mario Klesczewski (CEN LR)

Suite à la dégradation des ouvrages hydrauliques et des digues dans les anciens salins de la Réserve naturelle régionale de Sainte-Lucie, les gestionnaires– Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée et commune de Port-La Nouvelle – se sont trouvés dans l’impossibilité de gérer le site, propriété du Conservatoire du littoral, tel que prévu initialement. Il s'agissait de favoriser les Sternes naines et autres laro-limicoles par la création d’îlots de reproduction accompagnée d’une gestion précise des niveaux d’eau.

La mise en valeur d'un important patrimoine floristique dans la partie nord des salins et le nouveau contexte hydraulique posent de nouveau la question des objectifs et moyens de gestion pour les salins. Toutefois, cette question est réfléchie à l'échelle du lido, salins et plage, la plupart des espèces et habitats étant communs aux deux espaces. La plage, séparée des salins par une « digue à la mer » présente une dynamique de milieux et un patrimoine floristique remarquable. Dunes mobiles, dunes grises, steppes salées, fourrés halophiles méditerranéens – appelées sansouïres dans la région – et prés salés s'y succèdent et la présence d’une dizaine d’espèces patrimoniales comme le très rare Statice diffus, la grande Lavande de mer, la Loeflingie d’Espagne est constatée.

Dans l’optique du futur plan de gestion de la RNR, trois scénarios possibles pour les anciens salins sont identifiés : « Vers des paysages de sansouïres », scénario de libre évolution des milieux mis en eau par les précipitations et coups de mer ; « Maintien des paysages de salins », scénario qui vise l’accueil des laro-limicoles et nécessite la remise en état complète des infrastructures de pompage et de digues ; « Paysages de sansouïres au nord et de salins au sud », c’est-à-dire un scénario mixte.

Chaque option fait l’objet d’une prospective de l’évolution des enjeux écologiques (CEN LR) et d’une analyse hydraulique.

À l’issue d’une année de travail étroit entre les gestionnaires, le comité consultatif et les scientifiques (CSRPN, conseil scientifique commun au PNR et à la RNR, et conseil du Conservatoire du littoral), le scénario mixte est retenu.

Au nord, la disparition progressive de la digue à la mer ouvre la perspective de la restauration d’une unité écologique cohérente, permettant le repli des très forts enjeux environnementaux de la plage face à l’élévation prévisible du niveau de la mer. La remise en état du sud des salins contribuera, quant à elle, à l’indispensable maillage de sites propices aux laro-limicoles à l’échelle de la côte méditerranéenne. Le scénario sera mis en oeuvre dans le cadre des mesures compensatoires liées à l’extension du port, limitrophe de la réserve. Ainsi, un nouvel avenir se dessine pour le lido, où la non-intervention favorable aux processus naturels côtoie une gestion en faveur d’un groupe d’espèces emblématiques, tout en satisfaisant la population locale, attachée aux paysages saliniers.