Label

Des « rivières joyaux » que nous pouvons encore préserver

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

Le Dossier

Roberto Epple,
président de ERN, 
www.rivieres-sauvages.fr

Aller plus loin que les statuts de conservation pour préserver les dernières rivières sauvages : c'est le but du label porté par European Rivers Network (ERN) et le Fonds pour la conservation des rivières sauvages.

Valserine dans le PNR du Haut-Jura. © PNR Haut-JuraEn 2007, suite au lancement du chantier d’un barrage EDF jugé inutile sur le Rizzanese, un des derniers fleuves côtiers méditerranéens intacts de Corse, le WWF, ERN, quelques acteurs de la conservation et du monde de la pêche ont lancé un nouvel outil au service de la naturalité des rivières : Rivières Sauvages. Un fonds de dotation a été créé en 2010. Rivières Sauvages a pour but de créer de la valeur partagée, sur une base volontaire, autour de la protection des ultimes milieux naturels d’eau courante en excellent état de conservation et toujours menacés. L’aventure collective en faveur de la préservation de la naturalité n’a pas fait fuir les acteurs des bassins versants pilotes pressentis : Chéran, Valserine, Vis, Léguer. Dix ans plus tôt, ce même monde rural aurait certainement perçu l’initiative comme une menace de relégation vers un territoire de second rang, hors du progrès, une « réserve d’Indiens ».

L’innovation intéressante est là, dans le fait qu’on puisse, sans passer par la case réglementaire (projet de réserve naturelle, nationale ou régionale, ou autre, toutes procédures longues et coûteuses), construire une communauté d’intérêts pour préserver les derniers joyaux en rivières courantes. Le projet a donc été bien accueilli sur les sites pilotes, puis les suivants : Fangu et Travu en Corse, Artoise dans l’Aisne. La création d’un label « Site Rivières Sauvages », avec un référentiel scientifique rigoureux, porté par la communauté locale, les riverains, les élus, les acteurs économiques, attribuée par un tiers, l'Afnor (Association française de normalisation) reconnaissant l’engagement des acteurs locaux, a intéressé les acteurs.

QUEL EST LE PLUS APPORTÉ PAR LE STATUT « RIVIÈRES SAUVAGES » ?

Rivières Sauvages apporte une volonté, dès l’amont du projet, après identification des sites potentiels avec les acteurs de terrain et les scientifiques, de coconstruire un programme d’actions de préservation avec tous les acteurs locaux, à commencer par les acteurs économiques : nous vivons dans un pays peuplé, il y a sur tous les bassins versants des activités, forestières, agricoles, voire de production d’énergie, qui altèrent la naturalité. Il faut coopérer, avec, en bout de réflexion collective, la protection du patrimoine commun, la rivière sauvage. Cela permet de créer une image nationale, voire internationale, attractive pour un territoire rural protégeant son « capital naturel ».  

Les projets ne s’inscrivent naturellement pas sur des territoires vierges de toute initiative et prescriptions réglementaires. Les rivières sont en ZNIEFF, appartiennent au réseau Natura 2000, sont situées pour partie dans un PNR, une réserve, un site classé, ont fait parfois l’objet d’un contrat de rivière. Les appartenances varient ainsi que le degré de contraintes et leur respect. Le programme Rivières Sauvages a la particularité de construire un programme d’actions locales pour l’ensemble du bassin versant. À l’échelle nationale, il permet de bénéficier de connaissances, de reconnaissance et d’apports financiers importants. La démarche pérennise, renforce les démarches et le travail des acteurs locaux, par exemple dans la poursuite de contrats de rivières innovants, devenant des « Contrats de Rivières Sauvages ».