Contrats

Du renfort aux côtés des salariés

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

Management - Métiers

Olivier Denoue,
secrétaire général exécutif LPO,

Dans les associations comme ailleurs, les salariés ne sont pas les seuls à pouvoir contribuer aux missions de l'établissement. Un appoint de personnel répond à une législation, mais aussi à des bonnes pratiques, dans l'intérêt de la structure comme de la personne. Comment intégrer à bon escient les volontaires en service civique et autres contrats aidés ?

Assistants de formation à l'Aten, en contrat aidé.

En dépit de l'engagement des salariés, le développement de nouveaux projets, la gestion d’espaces, la préservation des espèces et l’éducation à l’environnement nécessitent des renforts. De nouveaux statuts permettent, en fonction du contexte et des missions, d'étoffer les équipes salariées par des bénévoles : services civiques, stages et emplois d'avenir.

Le socle d’une organisation telle que la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) est constitué des salariés (cent cinquante au siège et deux cent cinquante dans le réseau), professionnels formés pour optimiser leur engagement. Il faut y ajouter une force plus hétérogène, mais plus puissante, de militants, de naturalistes, de bénévoles, de donateurs, d’adhérents (cf. article de Stéphanie Bérens, Espaces naturels n°51 sur la mobilisation des bénévoles). Membres et salariés, chacun dans leur rôle, conjuguent ainsi leurs compétences en faveur des priorités de l’association. C’est déjà beaucoup mais forcément insuffisant au regard des besoins. C’est pourquoi l’association a aussi mobilisé d’autres ressources pour tenter de combler une partie de l’écart existant entre des moyens limités et des attentes incommensurables. Par l’implication de jeunes dans notre activité au travers de missions en services civiques, de conventions de stages ou de contrats d’emploi d’avenir.

POURQUOI AVOIR RECOURS À CE TYPE DE CONTRATS ?
Innover ou développer des actions nouvelles.
• Répondre à une des priorités de la structure relative à la sensibilisation du public au travers de la mobilisation de ces personnes.
• Jouer au mieux son rôle d’acteur social en permettant à des jeunes d’acquérir une expérience professionnelle ou un complément de formation pour étayer un CV ou parfaire un parcours scolaire.
• Argument moins noble mais tout autant réel, bénéficier au travers de ces dispositifs d’une ressource complémentaire subventionnée (emploi d'avenir) et donc économiquement viable pour une organisation aux budgets incertains.

En 2015, la LPO France a accueilli trente-neuf volontaires en service civique, trente stagiaires et trois contrats d’avenir. Nous pouvons relever des points communs quant à l’intérêt que comportent ces trois dispositifs pour chacune des parties.

ATOUTS DU DISPOSITIF

Les conventions liant ces personnes à l’organisme d’accueil imposent un encadrement apportant certaines garanties pour le bénéficiaire (accompagnement, sécurité, formations, etc.). Si ce soutien de proximité permet à la personne accueillie de bénéficier d’une écoute optimisant ses capacités d’apprentissage, celui-ci permet aussi au salarié devenu tuteur, maître de stage… d’apprendre à mieux maîtriser les contraintes d’encadrement et de management qui pourront lui être utiles à l’avenir dans son parcours professionnel.

Et lorsque la personne accueillie trouve au sein de la structure de réels motifs de satisfaction (accueil bienveillant, tutorat performant, activité formatrice, etc.), celle-ci deviendra plus tard une ambassadrice de l’association qu’elle ne manquera pas de soutenir ou recommander (en devenant adhérente ou en la valorisant auprès de ses proches). Un atout : potentiellement, même si rien n’est acquis d’avance, il existe une possibilité de se voir proposer en fin de convention, un poste en CDD ou CDI suite à une première mission via l’un de ces dispositifs. 65 % de jeunes trouvent un contrat de travail à l’issue de leur service civique soit à la LPO, soit chez des partenaires de la LPO.

L’intégration de ces nouvelles ressources, jeunes et souvent très motivées, permet aussi de créer des dynamiques en interne. En effet, l’élan apporté par ces profils génère en miroir une dynamique positive pour les salariés qui sont proches. 

Les avantages à l’intégration de ressources humaines portées par les volontaires en service civique, les stagiaires ou les contrats d’avenir sont suffisamment éloquents pour soutenir ces dispositifs. Toutefois, ils ne doivent pas masquer certains écueils auxquels nous devons faire face.

DES LIMITES À ANTICIPER

À commencer par des contraintes importantes instituées par le législateur et parfois difficiles à appréhender. Il ne s’agit pas de déplorer les nouvelles obligations relatives à l’intégration des stagiaires (indemnités, avantages sociaux, etc.), mais plutôt la contradiction existant entre le souci d’octroyer des droits très semblables à ceux des salariés tout en demandant aux structures d’accueil de veiller à ne pas confondre ces contrats avec du salariat (ce qui est surtout vrai avec les stagiaires et les volontaires en service civique). Nous pouvons aussi nous étonner des contraintes de la nouvelle loi imposant un quota d’accueil de stagiaires : la demande de stages est déjà bien supérieure à notre capacité d’intégration et ces nouvelles dispositions, dont on comprend bien l’objectif visant à éviter des abus, risquent de renforcer les difficultés qu’auront les étudiants à trouver une structure pour réaliser un stage souvent devenu obligatoire.

Autre dilemme touchant surtout les volontaires en service civique : l’agence des services civiques incite les structures à accueillir des jeunes peu diplômés et préférentiellement issus de milieux défavorisés. Malgré un gros travail avec les missions locales, la LPO reçoit principalement des candidatures de jeunes disposant d’un bac, voire bac + 2, qui souhaitent une première expérience avant de rentrer dans le milieu professionnel. La possibilité de donner de leur temps à une association est un argument auquel ils sont sensibles. Mais les jeunes ne sont pas recrutés sur leurs compétences mais sur leurs motivations.

Une contrainte existe aussi avec les contrats aidés du fait des changements récurrents de réglementation : les durées minimales de contrat, le taux de subventions évolutif, les critères de choix des personnes (origine, niveau de formation…). 

Cette liste des atouts et contraintes de ces dispositifs n’est pas exhaustive mais elle suffit à illustrer l’équilibre fragile existant entre la nécessité de respecter des règles visant à protéger les employés de certaines dérives, tout en tenant compte de leurs attentes et des contraintes de la structure d’accueil. Celle-ci doit ainsi veiller à ce que ces contrats restent une chance pour des jeunes en recherche de qualification et d’expérience professionnelle, sans tomber dans le piège du sous-salariat qui serait une vision à court terme et sans perspectives crédibles. 

Beaucoup d’anciens salariés de la LPO sont entrés dans l’association en tant qu’objecteurs de conscience il y a plusieurs décennies. Il s’agissait alors d’une porte d’entrée dans le monde professionnel, même si parfois critiqué et qualifié de salariat au rabais. Ces histoires d’intégration réussies sont encore possibles aujourd’hui grâce à ces nouveaux contrats.

 

Légende photo : Ahlem Mokhtari et Stéphane De Ascençao sont assistants de formation à l'Aten, en contrat aidé.