Quel est l’impact de mes actions de gestion ?

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

Le Dossier

Francis Muller
Pôle-relais tourbières
Dominique Langlois
conservateur de la RNN du ravin de Valbois, Cen Franche-Comté

La prise en compte des insectes dans la gestion conservatoire s’est faite dans un premier temps au travers des espèces remarquables (comme les Maculinea). Elle tend à s’ouvrir aujourd’hui, en parlant plutôt de peuplements et en recherchant ce qu’ils indiquent de la dynamique et de la fonctionnalité de l’habitat.

Minois dryas

Minois dryas est inféodé à une strate herbacée haute. © Frédéric Ravenot

En matière de gestion conservatoire des milieux ouverts, les suivis floristiques ont longtemps été privilégiés, faisant souvent la part belle aux orchidées. Le gestionnaire prend maintenant plus souvent en compte les papillons de jour et/ou les orthoptères, qui vont l'aider à décrire la structure verticale du milieu (présence de sol nu, d’affleurements rocheux, d’une strate herbacée rase/ haute, de lisières). Il peut ainsi évaluer l’impact de ses modes de gestion sur l’hétérogénéité de l’habitat en recherchant si les cortèges d’insectes liés à ces différentes structures sont significativement représentés ou font défaut.

S’agissant par exemple de la pression de pâturage : fait-elle disparaître les espèces inféodées aux strates herbacées hautes ou leur permet-elle de se maintenir ? L’enjeu est de trouver une solution permettant de conserver le type de pâturage nécessaire au maintien de l’ouverture du milieu, sans faire disparaître les strates hautes de végétation. Sur pelouse calcaire, un pâturage tournant, hivernal ou à faible densité peuvent être mis à profit. L’intérêt que présenteraient en tourbières des corridors entre sites proches est difficile à établir de manière générale. En revanche, on a pu montrer dans bien des cas l’intérêt pour des espèces données de pouvoir disposer de couloirs, soit humides, soit de végétation basse, reliant des populations isolées. Par exemple, le nacré de la canneberge (Boloria aquilonaris) a un système de déplacement en vol relativement efficace. Pour que des sites proches le long des vallées soient reliés et inter-accessibles pour lui, on peut envisager des travaux de réouverture des milieux proches favorables. Les petites populations, éventuellement affaiblies, pourront être ainsi renforcées (d’après F. Mora, CBNFC- ORI).Les insectes ont ici aidé à saisir un pan d’un fonctionnement complexe. Et ce sont des insectes rares (parmi les papillons, les libellules…) qui le plus souvent, en France, ont incité à des travaux pour rétablir des connexions perdues, évitant un isolement génétique.

La présence d’une diversité d’insectes coprophages est dorénavant un élément de l’évaluation de l’état de conservation des milieux agropastoraux. Le MNHN l’a retenu dans son guide d’évaluation. Les bousiers par exemple, en consommant une fraction des déjections, vont permettre leur enfouissement et leur ensemencement en bactéries et champignons décomposeurs. À ces communautés coprophiles s’associent des espèces prédatrices (coléoptères, acariens). Les gestionnaires sont sensibilisés à l’intérêt de ce cortège faunistique, mais les produits vétérinaires de la famille des avermectines, entre autres, posent problème et restent largement utilisés par les éleveurs ; les insectes sont ici un aiguillon qui nous pousse à améliorer nos pratiques, les espaces naturels se doivent de montrer comment se passer de ces produits toxiques. On voit, sur la base de ces quelques cas, que les insectes trouvent une place croissante dans les discours et dans les actes des gestionnaires. Ces derniers gagneront à disposer de listes de références mises à jour pour tous les ordres, de clés pour les interpréter et de modes d’applications qui soient à leur portée et à celle des exploitants ou partenaires associés.