Plan national d’actions

Quels programmes mettre en place pour les insectes ?

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

Le Dossier

Raphaëlle Itrac-Bruneau
Opie Julien Dabry
Cen Lorraine
 

Pour préserver les insectes des activités anthropiques grandissantes, il faut qu'ils puissent trouver des habitats en quantité suffisante et en bon état. Mais pour réussir, la conservation des insectes doit aussi prendre en compte leurs spécificités. C'est la spécificité du PNA Maculinea.

 L'azuré des paluds, uniquement présent dans l'est du pays, est classé « vulnérable » en France. © Guillaume Doucet

Bien qu’ils essaiment généralement une descendance prolifique, certains insectes pâtissent de deux traits défavorables face à l'accroissement des activités humaines, qui les rendent plus vulnérables. Tout d’abord une capacité de dispersion souvent limitée réduit leur aptitude à rejoindre les sites proches ou à recoloniser des habitats favorables vacants présents dans la maille paysagère environnante. Le second est leur niche écologique souvent très étroite, notamment pendant la phase larvaire, surtout lorsqu’ils dépendent d’un ou plusieurs hôte(s) spécifique(s) pour leur développement. Pour préserver les espèces les plus spécialisées et donc les plus fragiles, la mise en oeuvre d’une gestion conservatoire doit impérativement intégrer ces contraintes, pour chaque stade de développement. Ainsi, la conservation des insectes passe par une réflexion propre qui doit intégrer les spécificités inhérentes à cette classe.

Conscient des menaces et des enjeux de préservation qui pèsent sur certaines espèces, l’État français développe depuis 1996 des plans nationaux d’actions (PNA) en faveur d’espèces menacées. Parmi cette panoplie, le PNA Maculinea, mis en oeuvre depuis 2011 et déployé sur la quasi-totalité du territoire, a été conçu de manière à répondre à deux objectifs complémentaires et de même importance. Le premier vise à compléter les connaissances fondamentales de ces papillons azurés spécialistes (répartition, autécologie) tandis que le second doit permettre, dans un second temps, d’améliorer ou de consolider leur état de conservation en France par le biais d’actions de gestion conservatoires adéquates. Du fait de leur cycle de vie d’une grande complexité, nécessitant un équilibre subtil entre la présence successive et obligatoire d’une plante-hôte et d’une fourmi-hôte spécifiques, les papillons azurés du genre Maculinea sont des espèces fragiles qui sont souvent les premières à disparaître sur un site lorsque des perturbations interviennent. De ce fait, ces papillons sont souvent considérés comme des espèces « phares » ou « parapluie » de la préservation des prairies et pelouses mais également des autres papillons qui y sont associés.

PRÉSERVER L’ÉQUILIBRE ÉCOLOGIQUE GLOBAL DE NOS MILIEUX OUVERTS

La mise en place d’un PNA en faveur des Maculinea participe ainsi à la préservation de l’équilibre écologique global de nos milieux ouverts. Ainsi, la stratégie de conservation de l’azuré des paluds (Maculinea nausithous) a fait l’objet de réflexions poussées pour préserver efficacement et durablement ses populations et illustre parfaitement la difficulté de la tâche. S’il se maintient dans des marais gérés de manière très extensive en Rhône- Alpes, ce n’est pas le cas dans le quart nord-est de la France où sa plante-hôte unique, la sanguisorbe officinale, est vite étouffée ; ses populations s’établissent quasiment exclusivement dans des prairies de fauche.

Dans ce contexte, une fauche trop tardive (mijuin à mi-septembre) prive l’adulte des fleurs de sa plante-hôte pour la ponte et le développement de ses premiers stades larvaires. La densité des nids de sa fourmi-hôte, Myrmica rubra, est quant à elle affectée par les travaux du sol et la simplification de la structure paysagère (disparition des haies). Cette densité est très importante car c’est au sein de ces fourmilières que les chenilles du Maculinea, prises en charge par des ouvrières, continuent d’évoluer jusqu’au mois de juillet suivant. Une gestion inadaptée des habitats à azuré des paluds entraîne donc inéluctablement sa disparition à plus ou moins long terme.

Sur la base de ces critères et afin de consolider les noyaux de populations, une mesure agro-environnementale (MAE) spécifique aux Maculinea liés à la sanguisorbe a été développée en Lorrainedès 2006, en concertation avec les acteurs locaux (collectivités, chambre d’agriculture, services de l’État) et financée par le conseil régional. Sa mise en place sur un réseau priorisé de prairies à sanguisorbe s’est traduite par une reprise démographique du papillon. Cependant, cet équilibre reste ténu, notamment sur les prairies les plus grandes car d’autres paramètres entrent en compte dans l’équation : parasitisme des chenilles par l’hyménoptère Neotypus pusillus ou encore essoufflement des fourmilières qui, lorsqu’elles sont trop sollicitées, peuvent provoquer une chute brutale des effectifs.

Pour améliorer ce dispositif, les nouvelles MAE spécifiques intègrent la mise en place de zones refuges non fauchées, l’hétérogénéité ainsi induite procurant moins d’aléas démographiques, une meilleure prise en compte des aléas climatiques (année sèche sans repousse de sanguisorbe…) ainsi qu’une importante plus-value pour tout le reste du cortège prairial entomologique. D’une façon plus générale, la mise en oeuvre de mesures de conservation prises en faveur des habitats prairiaux permettra peut-être d’enrayer le déclin avéré des papillons spécialistes des prairies. En effet, les populations de 17 espèces de papillons de jour étudiées entre 1990 et 2011 ont chuté de près de 50 % en 22 ans, selon le récent rapport de l’Agence européenne pour l’environnement.