Parcs nationaux : Une réforme qui change la loi
Espaces naturels n°12 - octobre 2005
Christian Barthod
Sous-directeur des espaces naturels à la direction de la Nature et des paysages au ministère de l’Écologie et du Développement durable
L’intérêt exceptionnel qui justifie leur classement découle à la fois de leur patrimoine naturel originel et d’activités humaines qui ont respecté, voire modelé, leurs caractéristiques. Aujourd’hui, les communautés locales se vivent comme dépositaires de ce qui fait la richesse et la spécificité de ces « terroirs humanisés » où nature et paysage témoignent d’équilibres sociotechniques parfois profondément fragilisés. D’où des tensions, quelquefois une incompréhension du projet de l’État, qui font partie inhérente de l’histoire des Parcs nationaux français.
C’est un défi pour la politique de protection de la nature : ce patrimoine, qui fonde simultanément l’identité d’une communauté et celle d’un terroir, exige que l’on fasse appel, pour le gérer, à des spécialistes des sciences de la Terre et de la vie, mais aussi à des sociologues, ethnologues, médiateurs locaux, bons connaisseurs des cultures en présence.
La réforme assume cette analyse et la traduit par deux choix :
• celui du renforcement du conseil scientifique par des compétences en sciences et techniques sociales, pour épauler l’équipe du Parc et le conseil d’administration dans leurs démarches concernant les acteurs locaux ;
• celui de la création d’un « conseil économique, social et culturel » organisant l’écoute des socioprofessionnels et des autres acteurs locaux ; il aura pour mission de participer au suivi de la mise en œuvre du plan de préservation et d’aménagement, sans interférer avec les dispositions réglementaires concernant les espaces protégés du Parc.
En outre, le projet de loi reconnaît la légitimité des communautés locales dans le façonnage historique du patrimoine naturel, culturel et paysager et, en contrepartie, choisit de leur donner la possibilité de bénéficier d’une adaptation de la réglementation sur certaines activités et certains travaux, dès lors (et uniquement à cette condition) que cette adaptation est compatible avec le niveau de protection défini. Le décret général d’application de la loi et le décret propre à chaque Parc devront encadrer ces dispositions, et résister à toute interprétation en termes de « droits nouveaux s’imposant à un Parc national ».
Il est logique de penser qu’il sera nécessaire de laisser un peu de temps au temps pour trouver de nouveaux équilibres de fonctionnement. Mais la grille d’analyse unique restera la préservation des patrimoines naturel, culturel et paysager qui ont justifié le classement de niveau international.