Défense des forêts contre l’incendie

Deux îles, deux stratégies

 

Espaces naturels n°12 - octobre 2005

Le Dossier

Jean-Paul Hétier
Consultant BRLIngénierie

 

La prévention des incendies passe par la mise en place d’un plan DFCI. Port-Cros et Porquerolles s’en sont dotées.

La végétation luxuriante de Port-Cros et de Porquerolles constitue un combustible de choix. On s’étonne alors : pourquoi, depuis plus de cent ans, ces deux îles méditerranéennes n’ont-elles pas (vraiment) brûlé ? Cette situation, exceptionnelle sur le littoral méditerranéen, peut-elle se pérenniser ?
Il est vrai que, depuis la création du Parc national de Port-Cros, la prévention du risque d’incendie est une préoccupation constante. Elle donne lieu à une réflexion approfondie, et les îles sont toutes deux dotées d’un plan détaillé de Défense des forêts contre l’incendie (DFCI), même s’ils diffèrent dans leur stratégie. En amont, la définition des stratégies a nécessité d’intégrer plusieurs objectifs, parfois contradictoires : sécurité du public, conservation de la biodiversité, protection du paysage.
En effet, si le feu peut contribuer à la diversité biologique, en ouvrant les milieux par exemple, un grand incendie aurait des conséquences désastreuses sur le paysage et nous priverait d’écosystèmes forestiers âgés, si rares en région méditerranéenne. Par ailleurs, même si la sécurité du public est primordiale, les atteintes à l’intégrité du patrimoine doivent impérativement être limitées.
À Port-Cros comme à Porquerolles, la même démarche a été suivie. D’abord réaliser des études complètes et détaillées permettant d’évaluer avec précision la nature du risque et la sensibilité des patrimoines à défendre. Le fait d’y associer les administrations, élus, professionnels, associations, a permis à chacun d’être motivé pour la mise en œuvre du plan. Ce travail a abouti à la construction d’une stratégie adaptée à la situation de chaque île. Une même philosophie d’action donc, et pourtant des résultats très différents…
Un plan adapté à chaque territoire
Porquerolles comme Port-Cros sont considérées comme des « monuments naturels » qu’il serait inacceptable de voir partir en fumée. L’insularité y est une contrainte majeure : elle ralentit considérablement l’arrivée des renforts terrestres.
La ressemblance s’arrête là. Porquerolles est une île « humanisée ». Aussi, pour optimiser la biodiversité tout en contribuant au développement local, le Parc y a encouragé la remise en culture. Par ailleurs, l’île reçoit plus d’un million de visiteurs chaque année (jusqu’à 12 000 par jour en été). Mis en place en 1999, le plan de DFCI répond alors à deux objectifs prioritaires. Le premier : ne déplorer aucune victime. Le second : éviter que l’île ne puisse brûler entièrement au cours d’un grand incendie. Concrètement, le dispositif opérationnel vise à renforcer l’étanchéité au feu par des coupures agricoles, à intégrer les enjeux de biodiversité et à réduire l’exposition du public au risque.
Quatre larges coupures agricoles isolent ainsi cinq compartiments forestiers et des dispositifs de fermeture des massifs, de surveillance et d’information au public ont été mis en place.
Port-Cros connaît une situation différente : en zone centrale du Parc, la gestion de l’île doit répondre à une forte exigence écologique. La forêt de chênes verts et d’arbousiers, âgée de plus de cent ans, doit être préservée, mais il faut aussi la rouvrir pour conserver les habitats de certaines espèces, comme le discoglosse sarde. Enfin, il faut protéger le village.
Ici, pas de coupure agricole sur laquelle s’appuyer, l’alimentation en eau est difficile et les contraintes d’acheminement des renforts sont encore plus critiques qu’à Porquerolles. La stratégie adoptée parie sur le mûrissement de la forêt et donc la réduction des strates végétales basses propageant le feu. Elle est basée sur l’intervention de commandos héliportés et planifie un dispositif de sécurisation du village et de fermeture du massif les jours où le risque est trop élevé. Concrètement, le plan de DFCI prévoit un schéma de débroussaillement des abords du village, la création d’un axe de circulation équipé de réserves d’eau permettant aux commandos à pied d’agir, un cahier des charges de débroussaillement visant la prévention des incendies et la diversification des habitats naturels et enfin des équipements permettant de pomper l’eau de mer et d’acheminer une équipe sur la réserve intégrale de Bagaud.
Aujourd’hui, le dispositif de prévention de Porquerolles répond pleinement aux enjeux de protection du patrimoine de l’île. À Port-Cros, les contraintes logistiques sont telles, que le risque d’un incendie généralisé reste présent. La réflexion doit donc se poursuivre…