La Bourgogne défend sa trame orange
Espaces naturels n°34 - avril 2011
Samuel Gomez
Conservatoire des sites naturels bourguignons
Émilie Weber
Conservatoire botanique national du Bassin parisien
Et pourquoi pas une sous-trame Pelouses sèches ? Elle est à même d’intégrer le schéma régional de cohérence écologique. Méthodologie suivie par le Conservatoire des sites naturels bourguignons.
Les pelouses calcaires figurent parmi les habitats naturels les plus emblématiques et les plus représentatifs de Bourgogne. Ces espaces semi-naturels souffrent, notamment, de l’abandon des pratiques agropastorales extensives et la mobilisation d’acteurs et de moyens ne suffit pas à garantir la pérennité de ces milieux morcelés qui ne couvrent plus que 8 000 ha, soit 0,2 % de la superficie régionale.
La définition d’un réseau fonctionnel de pelouses était donc nécessaire pour mettre en œuvre des actions efficientes.
Menée par le Conservatoire des sites naturels bourguignons en 2010, une première opération-test opte pour travailler à l’échelle d’une petite région naturelle, de 10 000 à 20 000 km². Cette dimension permet de s’inscrire dans des perspectives pragmatiques et rapidement opérationnelles.
Trois grandes étapes sont tour à tour suivies.
1. Identifier les pelouses calcaires du territoire par le biais de l’inventaire bibliographique et cartographique (photographie aérienne). Une première enveloppe de périmètres de pelouses calcaires peut ainsi être définie. Elle est affinée par une prospection de terrain afin de préciser les limites des pelouses identifiées. Attention à ne pas sous-estimer cette étape à la fois primordiale et chronophage (une semaine pour 100 ha de pelouses calcaires !)
2. Hiérarchiser les sites prospectés. Cette démarche, qui s’inspire des méthodes de Berthoud et FNE (cf. en savoir plus), consiste à noter chaque pelouse calcaire en s’appuyant sur trois facteurs (déclinés en trente-trois modalités, cf. tableau 2) :
• l’intérêt écologique (qualité intrinsèque) en s’appuyant sur une entrée habitats naturels ;
• la capacité : les caractéristiques géographiques, environnementales et administratives du site lui conférant une aptitude d’acquisition ou de maintien de ses éléments naturels en termes de potentialités écologiques ;
• la fonctionnalité du site au sein du réseau. En effet, sans être déterminante, l’analyse des distances inter-sites est, à ce titre, un bon indicateur de « l’état de santé » des connexions entre les différents noyaux des pelouses.
Le seuil de connectivité choisi a été de 100 m. Il correspond à la capacité de déplacement d’une majorité d’espèces macroscopiques, incluant les moins mobiles comme l’entomofaune terrestre.
3. Identifier des continuums écologiques et des zones de rupture, sous l’angle d’une analyse spatiale. La méthode d’analyse repose sur le concept de perméabilité des milieux et renvoie à la facilité de dispersion des espèces dans le paysage (d’après Bal et David 2009). Cette étape permet de tester la connectivité globale du paysage, indépendamment de sa valeur écologique.
L’extension potentielle du continuum est modélisée en se basant sur des données d’occupation du sol, croisées avec une analyse de la résistance des différentes entités paysagères au déplacement de la faune (SIG) (cf. tableau 1).
Comptez deux semaines de travail d’analyse cartographique pour 10 000 hectares.
Sur le territoire-test des environs de Clamecy dans la Nièvre, la première étape a permis de recenser près de 219 entités de pelouses calcaires (cf. carte). Plus d’1/3 d’entre elles jouent un rôle de réservoirs de biodiversité ou sites cœur.
Le continuum des pelouses calcicoles tel que modélisé dans la seconde étape couvre environ 3 500 hectares soit près de 28 % de la superficie du territoire d’étude.
Cette grande étendue est un indicateur. Elle permet de mettre en avant l’importance, dans le maillage, des pelouses identifiées et qui ne représentent, elles, que 310 ha, soit 2,5 % du territoire (parmi eux, les sites cœur, couvrent 118 ha, soit 0,9 % du territoire).
Une post-analyse des résultats permettra de compenser les incertitudes et insuffisances de la modélisation.
Ce travail sera poursuivi sur d’autres secteurs à enjeux en Bourgogne afin de parfaire le réseau fonctionnel régional des pelouses calcaires.