Corridors

La France clôture ses milieux naturels, peut-on lutter ?

 

Espaces naturels n°37 - janvier 2012

Aménagement - Gouvernance

Yves Froissart
Ingénieur agronome et écologue Trans-Formation Consultants

 

Connaître le droit et jouer de la concertation pour permettre la libre circulation de la grande faune sauvage.

L’actualité est à la mise en place des trames vertes, or, en diverses régions, on assiste à un développement incontrôlé des clôtures en milieu naturel. En Sologne, le phénomène est si prégnant qu’on parle même de Solognisation. Des grillages, souvent hauts (1,80 m ou plus), sont édifiés avec la pratique de la chasse et la protection des propriétés.
Ces clôtures induisent gêne paysagère, accidents routiers, captation du gibier. Associées à l’agrainage et aux prélèvements insuffisants de grand gibier, elles causent des surdensités de grands animaux sauvages nuisant au milieu naturel et à la qualité de la faune elle-même.
Quant aux enclos cynégétiques et parcs de chasse, ils cumulent les inconvénients écologiques et paysagers ; et ce malgré des règles sanitaires devenues plus strictes (articles L. 424-3 et R. 413-24 à 51 du code de l’Environnement).
En Pays de Grande Sologne (entièrement inclus dans le plus grand site européen Natura 2000), dix-sept communes sur vingt-huit ont réagi en réglementant l’urbanisme. Las ! La plupart des recours engagés se sont soldés par des échecs. Or les solutions existent : des règles adaptées et bien appliquées, des bonnes pratiques, avec la concertation et la communication nécessaires. C’est ce qui a déterminé le Pays à réaliser, en 2011, une étude concertée sur la maîtrise des clôtures, confiée au cabinet Trans-Formation.

Levier juridique. Le droit de se clore est reconnu par la loi (art. 647 du code Civil), une commune peut rendre obligatoire la déclaration préalable de travaux, mais seules les collectivités disposant d’un document d’urbanisme peuvent définir des règles sur les caractéristiques des clôtures en milieu naturel (des exceptions pour les clôtures agricoles, forestières ou de sécurité). Ainsi en Grande Sologne, on a souvent imposé 1,20 m maximum, poteaux bois et, pour les clôtures forestières, une durée de moins de dix ans.
Ajoutons qu’une clôture interne à une propriété, invisible du domaine public ou d’une propriété voisine n’est pas, ou peu, atteinte par les règles actuelles.
D’un point de vue jurisprudentiel, une clôture peut constituer un fait de chasse (piège) avec engins prohibés (arrêt de la cour d’appel de Reims 14 mai 1997).
Parmi les outils d’urbanisme, le Schéma de cohérence territoriale autorise le choix d’une même règle paysagère pour toutes les communes d’un territoire (art. L. 122-1-6. du code de l’Urbanisme). Indispensable car l’échelon communal est celui qui subit le plus de pressions, pour des enjeux paysagers et écologiques à une échelle souvent plus vaste.

Concerter. Le gestionnaire d’espaces naturels est bien placé pour informer les responsables des enjeux des clôtures sur le patrimoine vivant. Il peut susciter la concertation : pour porter ensemble le souci de l’accueil du public, pour reconnaître les bonnes pratiques environnementales dans les propriétés1, pour susciter la mise en place d’une charte paysagère… Il peut, par exemple, proposer des haies vives et des fossés plutôt que des grillages.
Autant d’éléments qui encouragent une application judicieuse du droit de s’enclore. Le gestionnaire peut également apporter des éléments pour construire des cartes diffusées vers le grand public.
En Sologne, la participation élargie à l’ensemble du territoire a été à la hauteur de l’enjeu ! L’étude est disponible sur internet2. À présent, il reste à faire. •

1. Cf. le label Territoires de faune sauvage de l’European Landowners Organization. nature@elo.org • 2. www.gra­­­­nde-sologne.com