Faire accepter le parc aux populations locales

 

Espaces naturels n°47 - juillet 2014

Vu ailleurs

Faten Blibeche
technicien principal à la direction générale de l’environnement, secrétariat d’État au développement durable

Les atteintes aux aires protégées constatées pendant la révolution tunisienne remettent en cause les méthodes et les outils centralisés au profit d’une nouvelle gouvernance. La condition d’un développement durable passe par l’association des populations.

© FFEM, Didier Simon

Sur le plan environnemental, la révolution tunisienne a mis en exergue, tant les multiples impacts négatifs du modèle de développement sur la nature, que l’absence d’une gouvernance environnementale démocratique.

Partant de l’idée que le développement ne peut être durable que s’il est effectivement pris en charge par les populations concernées dans une approche de démocratisation à la base, le gouvernement tunisien a mis en place une panoplie de projets qui débouchent tous vers une gestion participative et intégrée des aires protégées.

Le projet « contribution à la mise en oeuvre du plan de gestion du Parc national de Chaâmbi » réalisé avec un financement du FFEM/Monaco en est une belle illustration. Il propose un modèle de participation de la société civile qui pourrait être répliqué à l’ensemble des aires protégées en Tunisie et à son voisinage.

Ce projet est parti du constat suivant : trente années après la création du Parc national du Chaâmbi à Kasserine, le bilan reste contrasté : succès en matière de conservation des écosystèmes forestiers et de la grande faune, mais faiblesse de la mise en valeur pour l’accueil du public et surtout, persistance d’un impact économique et social majeur sur les populations riveraines. Une grande partie des familles concernées a dû quitter leurs villages, et celles qui restent sont en situation de grande précarité sociale et économique. Cette situation révèle la faible intégration socio- économique du parc et fait peser une menace sur la pérennité des acquis de la conservation. Les évènements de la révolution du 14 janvier 2011 ont confirmé la fragilité même de la conservation des écosystèmes. Le projet prend en compte les exigences nouvelles de la population vis-à-vis du parc et des ressources qu’il recèle, dans un contexte où la conservation des ressources naturelles ne peut plus être envisagée sans développement socio-économique des populations riveraines qui doivent être impliquées à la base dans le processus de développement. Le projet vise principalement à faire du Parc un acteur du développement local : en favorisant la participation à la gestion et la valorisation des ressources du parc, il s’agit d’améliorer les conditions de vie et de stabiliser les populations riveraines. Les différents évènements survenus dans le Parc du Chaâmbi lors de la révolution ont montré que les populations le perçoivent comme une des causes de leur précarité socio-économique et non comme une opportunité de développement local. Afin d’enclencher un processus de réconciliation avec la population limitrophe et ainsi garantir la préservation des ressources du Parc, celui-ci s’attache aujourd’hui à inverser cette image et à se positionner comme un véritable levier du développement local. L’objectif du projet, dans le contexte post-14 janvier, est de favoriser l’émergence d’un nouveau modèle tunisien de gouvernance des parcs nationaux dont la mission serait non seulement de conserver la biodiversité à l’intérieur du parc mais également d’animer un projet collectif de développement pour le territoire impliquant la population à la base.

Le projet prévoit l’actualisation du plan de gestion du Parc du Chaâmbi, qui date de 2001, notamment dans ses volets « écotourisme » et « développement communautaire ».

Le Parc du Chaâmbi constituera une expérience pilote pour tester un certain nombre d’expériences innovantes en matière de gouvernance de Parc, d’interaction avec la population et d’exploitation rationnelle des ressources naturelles du Parc (fourragères ou arboricoles comme le zgougou). Dans ce cadre, les réussites d’une gestion plus participative et concertée pourront également alimenter un processus de réflexion sur la révision du cadre réglementaire des Parcs à engager par le gouvernement tunisien. Ce chantier, qui pourra être appuyé par des prestations juridiques et l’organisation d’ateliers de concertation, alimentera également la perspective d’unifier la réglementation autour du concept fédérateur d’aire protégée.

L’élaboration participative des plans de développement locaux dans lesquels sont identifiées des activités génératrices de revenus au profit des populations locales est un excellent système d’intégration. En effet, grâce à leur proximité et leur familiarisation avec les ressources naturelles, ce sont souvent les mieux habilitées à participer à la bonne gestion de ces aires protégées. C’est aussi dans cette même philosophie que s’inscrit aujourd’hui le développement de l’écotourisme à travers la mise en oeuvre de plusieurs projets pour sa promotion notamment dans le sud tunisien. La mise en tourisme des aires protégées est considérée comme fondamentale afin de conserver ces patrimoines naturels tout en générant des revenus pour les populations locales améliorant ainsi leurs conditions de vie.