L’étho-acoustique pour comprendre les chauves-souris dans leur espace

 

Espaces naturels n°47 - juillet 2014

Méthodes - Techniques

Thomas Darnis,
chargé de mission Environnement et membre du Réseau Mammifères ONF Morgan Charbonnier
doctorant bioacousticien, Cyberio
 

Les chauves-souris intéressent les forestiers car elles renseignent sur l’état de santé des forêts. Un programme de recherche vise à déchiffrer le système sensoriel complexe des chauves-souris afin de mieux les comprendre, connaître leurs habitudes au sein des habitats forestiers et donc mieux les protéger

© Cyberio

L’étho-acoustique pour comprendre les chauves-souris dans leur espace Les chauves-souris intéressent les forestiers car elles renseignent sur l’état de santé des forêts. Un programme de recherche vise à déchiffrer le système sensoriel complexe des chauves-souris afin de mieux les comprendre, connaître leurs habitudes au sein des habitats forestiers et donc mieux les protéger. L’étho-acoustique, mélange de biologie et de physique du son, permet de déduire le comportement des animaux d’après leurs productions sonores. Les chercheurs et techniciens du partenariat Cyberio - ONF sont maintenant capables grâce à un dispositif de plusieurs capteurs, de localiser la position d’une source d’émission sonore. Ils se sont inspirés des capacités extraordinaires du sonar des chauves-souris qu’elles utilisent pour se déplacer, afin de les localiser et ainsi modéliser leurs trajectoires de déplacement en trois dimensions. Concrètement : quatre micros (ou capteurs) et un puissant programme permettent de déterminer l’emplacement d’un animal lors de l’émission de son cri grâce au décalage de temps entre l’arrivée du son dans chacun des capteurs. Ces nouveaux outils permettront d’en savoir plus sur l’altitude et la vitesse de vol ou encore la synchronisation entre systèmes moteurs et sensoriels. Ce travail de recherche avant-gardiste va permettre de réaliser des études de trajectographie dans toutes les strates forestières du sol à la canopée. Le but est de comprendre les exigences des chiroptères afin de déterminer le rôle clef de la structure et la composition des peuplements forestiers durant tout le cycle de vie des animaux. Le dispositif est actuellement testé en situations variées (col d’altitude, canopée, corridor, en sortie de gîte) et dans un panel de forêts domaniales métropolitaines afin notamment d’évaluer l’effet du feuillage de la canopée sur la réverbération des cris et de déterminer les écartements optimaux entre les capteurs. En effet, le positionnement des micros va dépendre des espèces que l’on souhaite étudier mais également du biotope.

En caricaturant, les situations extrêmes sont :
en feuillage dense, les espèces ont des trajectoires complexes et émettent des types de cris rapides de courte portée, il faut donc réduire les écarts entre les capteurs pour pouvoir capter ces cris et rendre compte des changements rapides de position des animaux en vol,
en zone ouverte, les espèces émettent des types de cris plus lents et de longue portée, il faut donc espacer les capteurs pour rendre compte de cela.

L’outil permettra également d’accompagner les gestionnaires et bureaux d’études afin d’évaluer la fonctionnalité spatiale des corridors. L’approche acoustique présente une supériorité évidente pour l’étude de ce groupe faunistique essentiellement nocturne, non seulement sur un plan éthique parce qu’elle présente un caractère non invasif mais également, sur un plan pratique, elle permet d’obtenir avec un rendement élevé, plus d’informations (diversité, fréquence, densité…) dans un laps de temps plus restreint et sur des surfaces bien plus vastes.