« Espaces naturels », de plus en plus artificiel ?
Espaces naturels n°62 - avril 2018
Un lecteur nous félicite pour la parution de l’interview du réalisateur Jean-Michel Bertrand dans Espaces naturels 60. Il en profite… pour nous faire aussi part de son agacement à la lecture de ce numéro, dont le dossier intitulé « Rien ne se perd, tout se transforme » est illustré, il est vrai, de nombreuses machines...
« Travaillant pour un parc national, je peux consulter la revue Espaces naturels qui arrive sur mon lieu de travail. Dans la dernière livraison, j'ai eu le bonheur de lire l'interview de Jean-Michel Bertrand, qui tranche avec la ligne éditoriale habituelle. Je vous félicite de cet article et espère (sans trop y croire) qu'il annonce un changement dans la philosophie de la revue.
Je m'explique. Quand j'étais jeune, abonné à une ancienne revue de protection de la nature (La vie des bêtes), je me souviens que l'ennemi de la nature y était symbolisé par des outils comme la tronçonneuse, la pelleteuse… Quand je feuillette maintenant Espaces naturels, je ne vois que ça : des moto faucheuses, des chantiers de tronçonnage, des débroussailleuses en action… ce qui tend à contredire le titre de la revue qui pourrait aussi bien s'intituler « Espaces artificiels ». Tout cela sous-tendu par une vision fixiste de la nature, qui souhaite contrer toute évolution naturelle par un interventionnisme forcené.
Il y a des raisons objectives pour adopter ce point de vue, j'en suis conscient, mais, à vous lire, on en vient à penser que des espèces sauvages ne doivent leur existence qu'au mouton ou au rotofil, qui sont pourtant des outils relativement récents sur notre territoire, bien postérieurs à l'apparition de ces espèces.
Bref, Espaces naturels manque de naturalité, et grandement. Il serait bon de dire que la nature n'est pas forcément ce jardinage permanent, ou bien expliquer pourquoi on en est arrivé là. Expliquer que les espèces de milieux ouverts sont faites pour être naturellement rares, présentes dans les trouées forestières, les couloirs d'avalanche ou autres espaces naturels, mais qu'il n'est peut être pas naturel d'en faire un « élevage » extensif à grand renfort d'outils motorisés et de troupeaux.
Voilà, je vous livre ça comme ça vient, depuis le temps que je feuillette votre revue en me demandant au bout de combien de pages je vais voir le premier mouton ou la première tronçonneuse...
Merci encore pour cet article sur Jean-Michel Bertrand qui m'a mis du baume au cœur. Sincères salutations »