Les Britanniques et la nature, une histoire d'amour éternel ?
Espaces naturels n°62 - avril 2018
Mike Clarke, directeur exécutif de la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB), revient sur le rôle des bénévoles au sein de l’association. Un rôle pivot, appelé à évoluer.
Le Royaume-Uni a une tradition caritative bien plus ancienne que la France, qui remonte à plus de 400 ans. L'un des fondements de la loi régissant les organismes caritatifs (le Statut des usages charitables, de 1601) est né de la tourmente de la période Tudor et des relations entre l’État et l’Église. Le XIXe siècle fut une période importante en Angleterre pour la mobilisation de la société civile, alimentée par les grands débats sociaux de l'époque - tels que l'émancipation, le suffrage universel et le mouvement contre la réforme capitaliste du régime foncier et de l'agriculture. La RSPB a été fondée par des bénévoles tout aussi radicaux et stratégiques que le mouvement écologiste aujourd'hui et, dans le cas de notre association, il y avait des liens clairs avec le mouvement des femmes suffragistes.
Aujourd'hui, les bénévoles nous aident à faire davantage et nous voulons développer la façon dont les gens peuvent soutenir notre travail en tant que bénévoles. Certains ont un emploi, d'autres sont à la retraite, d’autres encore cherchent une expérience de travail pour obtenir un premier emploi rémunéré. Souvent, les bénévoles deviennent des employés de la RSPB, et beaucoup d'anciens employés sont maintenant des bénévoles. Nous avons 12 560 bénévoles inscrits, qui travaillent plus de 950 000 heures par an, soit l'équivalent de 10 millions d'euros par an. Près du quart du travail de la RSPB est effectué par des bénévoles, qui représentent 84 % de notre effectif. Les gens font aussi du bénévolat pour la RSPB sur leur temps de travail via des programmes dédiés des entreprises.
La RSPB a beaucoup à apprendre de ses partenaires de BirdLife, avec des exemples passionnants d'initiatives de volontariat de masse à travers le monde, liées aux Zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO).
La RSPB doit évoluer. La biodiversité continue de diminuer en Europe. Si le mouvement de conservation de la nature continue à faire les mêmes choses, il obtiendra les mêmes résultats. Il serait fou de penser autrement. La RSPB doit devenir un réel mouvement pour sauver la nature. Nous devons repenser nos relations, et changer de perspective. Nous ne devons plus informer les gens, mais les mobiliser. Nous ne devons pas réfléchir à la façon dont les gens peuvent aider la RSPB, mais plutôt voir comment la RSPB peut aider les gens à avoir un impact positif sur la nature.
Chaque année, en janvier, près de 500 000 personnes participent à notre Big Garden Birdwatch. Ce ne sont pas des bénévoles « officiels » de l’organisation. Mais ils nous donnent une heure de leur temps pour répondre à l'enquête.
La révolution numérique crée une révolution sociale. En Angleterre, les nouveaux bénévoles sont majoritairement des moins de 26 ans. Les jeunes veulent avoir un impact immédiat, qui corresponde à leur mode de vie, à des moments qu’ils veulent choisir.
Les défis auxquels la nature est confrontée sont trop importants pour nous y attaquer seuls. Nous devons travailler avec d'autres pour une cause commune afin d'avoir un impact collectif. Nous devons motiver les gens et créer un mouvement. Les choses peuvent évoluer. En fin de compte, la société civile a la capacité de changer la façon dont les décisions sont prises. Pour sauver la nature, c’est maintenant qu’il nous faut nous mobiliser.
Dr Mike Clarke, directeur exécutif de la RSPB, mike.clarke@rspb.org.uk (traduction française : Anne Perrin)