Action collective

Quand conservation rime avec insertion

 
Le Dossier

Directeur du CEN La Réunion, Patrice Payet fait rimer insertion et conservation, au service de la biodiversité.

Pépinière construite sur l’ENS de Sans-Souci (commune de Saint-Paul) par des ouvriers en insertion.

Pépinière construite sur l’ENS de Sans-Souci (commune de Saint-Paul) par des ouvriers en insertion.

La plupart des Réunionnais cultivent un amour certain pour leur patrimoine naturel, qui se caractérise par une biodiversité remarquable, bien conservée et un fort endémisme. Mais, dans une île où les indicateurs économiques et sociaux sont parfois alarmants, l’humain est naturellement rattrapé par l’urgence de « se débrouiller » au quotidien… nécessité faisant force de loi ! Et l’engagement pour la biodiversité n’est pas toujours prioritaire.

Le CEN La Réunion est gestionnaire de 1600 ha de forêts départementales, il assure les actions de conservation et de restauration du patrimoine naturel endémique et indigène. Pour ce faire, il emploie en contrat aidé 97 ouvriers émargeant au Revenu de solidarité active (RSA). Ces ouvriés assument courageusement de multiples missions (lutte contre les espèces envahissantes, entretien de pépinières, ramassage de déchets, entretien et aménagement de pistes, sentiers, dispositifs antiérosifs, etc.). Le financement de ces emplois est intégralement supporté par la synergie entre l'aide légale (85 % du brut) et la part dite résiduelle couverte par le département de la Réunion. En contrepartie, le CEN mobilise les fonds de formation pour permettre au plus grand nombre d’ouvriers de suivre une formation dans la perspective d’obtenir un certificat, diplôme ou qualification inscrite au Registre national des certifications professionnelles (RNCP). Ces formations n‘ont pas nécessairement un lien avec les postes salariés. Ainsi, un ouvrier employé durant 24 mois en CAE-CUI peut obtenir un titre professionnel (environ 450 h de formation) dans le métier qu'il convoite à l'expiration du contrat aidé.

Notre stratégie conjugue deux objectifs réciproquement bénéfiques : d’une part, l’insertion socioprofessionnelle d’une centaine de personnes émargeant au RSA, et d’autre part, la conservation de la nature. L'idée est de synchroniser deux réponses, aux deux questions fondamentales : « Comment j’agis pour satisfaire les besoins de l’ici et maintenant ? », et « Comment j’agis pour protéger toutes les ressources naturelles pour mes descendants ? ».

Nous pensons utile de pratiquer « l’agir collectif » dans l’espace-temps d’un contrat de travail, qui devient une matrice présentant plusieurs mérites, dont ceux de « faire bouillir la marmite » à travers une activité professionnelle collective ; d’accompagner le salarié dans son cursus de formation qualifiante si possible ; et de réaliser une foule d’actes de soin en faveur de la nature.

Ainsi, les ouvriers sont conduits à exercer leur responsabilité ici-bas, à constater leur impact sur le vivant, à éprouver ensemble des méthodes de travail et des gestes techniques, autant de phénomènes qui laissent une empreinte positive plus ou moins forte. Après une telle expérience, les ouvriers ne sont plus tout à fait les mêmes. Par ce truchement, nous pensons que nous ne veillons pas uniquement à la Terre que nous laisserons à nos progénitures, mais aussi aux progénitures qui habiteront et piloteront la Terre. Deux destins liés, dont les saluts respectifs s’entre-nourrissent dans une dynamique circulaire.

L’engagement pour la biodiversité n’est pas qu’une affaire d’experts du génie écologique, de penseurs de la résilience des écosystèmes, ou de partis politiques. Chacun, d’où il pense et parle, est légitime, non seulement à s’engager pour la biodiversité, mais aussi à provoquer l’engagement de son alter ego !