Citoyens

La participation en question

 
Le Dossier

S’adapter, fidéliser, interagir sont des mots clés pour repenser les moteurs de l'engagement citoyen dans les dispositifs participatifs en lien avec la biodiversité. Auteure d’une thèse sur ce thème, Pauline Conversy décrypte la participation citoyenne.

Beaucoup de dispositifs participatifs en lien avec la biodiversité peinent à mobiliser en dehors des sphères déjà sensibilisées aux enjeux environnementaux.

Beaucoup de dispositifs participatifs en lien avec la biodiversité peinent à mobiliser en dehors des sphères déjà sensibilisées aux enjeux environnementaux.

L’érosion de la biodiversité fait partie des préoccupations environnementales des citoyens des sociétés occidentales du XXIe siècle. Cela se traduit par un double phénomène : d’une part, la demande croissante de la société civile en informations, voire en formations, sur ces thématiques ; d’autre part, une incitation des pouvoirs publics à impliquer davantage les citoyens dans les projets de territoire.

Dans ce contexte, et depuis une quinzaine d’années, des initiatives portées par des acteurs publics ou privés se multiplient, qui visent à impliquer des citoyens gratuitement et bénévolement dans des actions en lien avec la nature. Initiatives regroupées ici sous l’appellation Dispositifs participatifs en lien à la biodiversité (DPB). Avec des objectifs scientifiques, éducatifs ou de sensibilisation, les DPB se présentent comme une réponse à la double injonction de diffusion de connaissance et d’implication citoyenne. Des programmes de sciences participatives aux sorties pédagogiques en passant par les « chantiers nature », le citoyen a ainsi à sa disposition une offre large d’activités.

Cependant, à l’échelle nationale, ces dispositifs ne rencontrent pas tous le succès espéré et beaucoup peinent à mobiliser en dehors des sphères déjà sensibilisées aux enjeux environnementaux. Quels sont alors les éléments déterminant l’implication des citoyens dans un DPB ? Les attentes de ces derniers quant à leur participation sont-elles satisfaites ? Et comment mobiliser des profils plus variés ? Ces DPB étant portés par des gestionnaires, à l’origine de leur conception, de leur développement et de leur animation territoriale, cet article propose une réflexion autour de ces questions pour tenter d'en dépasser les limites.

 

L’histoire personnelle conditionne la participation

La décision de s’impliquer dans un dispositif participatif en lien à la biodiversité dépend bien sûr de contraintes contextuelles (temps disponible, accessibilité aux espaces de nature, forme physique de la personne, etc.). Mais il est aussi essentiel de considérer que cette décision varie en fonction du passé de chacun : ses valeurs, ses connaissances et croyances, ses désirs, ses buts et motivations, ou encore sa personnalité. Par exemple, des personnes ayant une forte affinité avec la nature depuis toutes petites seront plus enclines à s’intéresser aux DPB. Du moins dans leur format de présentation classique, comme des activités de découverte de la biodiversité ou de protection de l’environnement. Ce qui explique certains biais observés dans les publics participant actuellement.

La communication mise en place autour des DPB va donc générer des attentes particulières chez le futur participant, ou lui laisser supposer que sa participation satisfera des désirs préexistants. Mais les DPB peuvent répondre à de nombreuses autres attentes que celles citées précédemment : sociales, sportives, artistiques, culturelles, éducatives, etc. Ainsi, comprendre la diversité des valeurs et des attentes des publics visés, puis adapter la communication du dispositif choisi en conséquence, pourrait permettre d’attirer des profils plus diversifiés, car cela correspondrait à certaines motivations des citoyens auxquelles le DPB peut effectivement répondre.

 

Satisfaire les attentes des participants permet de les fidéliser

Au cours de la participation au DPB, chacun confronte ses attentes à la réalité qu’il ou elle vit et perçoit : les contenus transmis, les modalités de transmission (documents, présentation, mise en situation, autre), le degré d’interaction avec la nature, les échanges sociaux (convivialité et bienveillance par exemple), etc. La fidélisation au programme est liée à l’adéquation entre les attentes des participants et les réalités perçues. De plus, la valorisation de l’implication du participant est déterminante pour la poursuite de la participation, ce que les chercheurs appellent « rétribution ».

Tous les DPB ne reposent pas sur la fidélisation de leurs participants. Mais lorsque cela est le cas, il est nécessaire que les organisateurs identifient la diversité des attentes des participants et prévoient de valoriser l’implication de ceux-ci en fonction de leurs intérêts initiaux et des besoins du dispositif : retour sur les données de recherche pour ceux qui veulent contribuer à l’acquisition de connaissance, retour sur le bon fonctionnement écologique d’un site pour ceux qui souhaitent protéger la nature, retour sur les succès sportifs pour ceux qui recherchent l’exploit, valorisation artistique pour ceux qui poursuivent l’esthétisme, etc.

Ainsi, du point de vue d’un gestionnaire, bien proportionner la rétribution en fonction des attentes des participants, mais aussi de la nécessité de les fidéliser, peut permettre de pérenniser un dispositif, voire de constituer une communauté de participants impliqués.

 

Tirer parti des échanges interpersonnels se produisant dans les DPB

L’implication dans un DPB implique d’entrer en interaction avec d’autres personnes : autres participants, intervenants, animateur ou gestionnaire. Cette dimension sociale des dispositifs est fondamentale en cela qu’elle va inspirer la réponse émotionnelle du participant à son implication. Réponse qui va elle-même influencer la poursuite de la participation (à ce même dispositif ou à un autre DPB). Or, repenser l’implication des citoyens dans les dispositifs participatifs en lien à la biodiversité comme un processus de participation plus étendu dans le temps (contact initial, interaction puis rétribution) entre deux partenaires, permet d’identifier certaines étapes clés où une sélection non désirée du public peut s’opérer : distinguant les profils s’identifiant le mieux aux messages transmis par les organisateurs, de ceux plus éloignés de ces préoccupations mais qu’il pourrait justement être intéressant de sensibiliser.

Une voie possible pour ouvrir ces dispositifs plus largement est sans doute de replacer les interactions sociales au centre de la relation de participation, en bénéficiant de ces échanges pour mieux identifier des attentes insoupçonnées. Des attentes différentes de celles qui ont présidé à l’organisation de ces dispositifs peuvent s’avérer aussi légitimes et complémentaires, et les mettre en avant peut permettre d’élargir les profils de participants.

La diversité des DPB est une force pour la gestion territoriale : présentant chacun des forces et des faiblesses, ils doivent faire partie d’une stratégie globale de mise en œuvre. Proposer des formats complémentaires peut permettre une action transversale répondant à la double injonction de diffusion de connaissance et d’implication citoyenne, tout en tissant de nouveaux liens entre acteurs des territoires.