Vent debout contre le béton et la chasse aux baleines

 
Le point de vue de Tryo groupe de musique français

Espaces naturels n°61 - janvier 2018

Autrement dit

Propos recueillis par Christophe Trehet

Alors que s’achève une tournée aux couleurs de l’étendard de l'ONG Sea Shepherd brandi sur scène, Guizmo, de Tryo explique l’engagement environnemental de ce groupe français qui a su, parmi les premiers, questionner l’impact environnemental des événements liés aux musiques amplifiées.

Le point de vue de Tryo groupe de musique français © Ferial

Tryo fait partie des groupes de musique français les plus engagés sur les questions environnementales. Comment cela a-t-il commencé ?

L'histoire commence par notre éducation à tous, Christophe, Manu, Danielito et moi, avec des parents militants qui nous ont sensibilisés très jeunes à la préservation de l’environnement. Plus tard, une fois le groupe formé, le vrai déclic s’est produit au moment de la rencontre avec Greenpeace, que je suivais déjà avant le groupe. De fil en aiguille, un vrai rapprochement s’est opéré entre le groupe et l’ONG en même temps que Tryo montait en puissance. On a beaucoup appris à leurs côtés, sur la nécessité de préserver les forêts primaires pour la biodiversité autant que pour limiter le réchauffement climatique, sur la richesse et la fragilité des océans, sur les problèmes engendrés par l’agriculture industrielle. Face à cela, le groupe s’est alors demandé comment il pouvait agir. On a même glissé des bulletins d’adhésion à Greenpeace dans nos albums.

On s’est ensuite intéressé aussi aux actions de Sea Shepherd, qui lutte notamment contre la chasse aux baleines, encore pratiquée sous couvert de recherche scientifique. Ce lien avec Sea Shepherd s’est renforcé avec le temps et nous avons consacré une chanson à Paul Watson, fondateur de cette ONG, dans notre dernier album en date, Vent debout. On a emmené une équipe de Sea Shepherd avec leur stand pendant la tournée pour lui permettre de sensibiliser le public. On s’intéresse aussi beaucoup à ce que fait Survival, qui milite pour le respect des peuples autochtones. En fait on a abordé l’écologie comme un vrai combat. La chanson L’hymne de nos campagnes (single du premier album de Tryo, Mamagubida, ndlr) en est l’illustration. Une chanson qui ne résonne d’ailleurs plus aujourd’hui comme un truc de baba.

Mais au-delà du soutien à ces organisations militantes, votre groupe a lui-même engagé des actions pour réduire l’impact environnemental de son activité. Protéger l’environnement quand on est un groupe de musique, quelles formes cela peut-il prendre?

Notre réflexion est partie d’un constat parmi d’autres mais très marquant : tous les Zenith où l’on passait étaient remplis de gobelets plastiques à la fin des concerts… Je connaissais quelqu’un qui travaillait chez Ecocup, cette entreprise qui fait la promotion et distribue des gobelets en plastique rigide et réutilisables. On a donc commencé à essayer d’introduire ces gobelets dans les endroits où on se produisait et ça a pris. Aujourd’hui, on trouve des Ecocup partout. 

En 2012, on a fait notre propre bilan carbone ainsi que celui de toutes les salles qu’on traversait et en utilisant des gobelets de ce type, en faisant le tri sélectif dans les loges et dans le bus de tournée, en mangeant local, on a fait baisser notre empreinte carbone. D’autres artistes se sont intéressés à cette démarche, comme Lavilliers ou Benabar. Les salles elles aussi ont fait attention à limiter leurs consommations d’eau ou d’électricité.

Bien avant nous d’ailleurs, le Festival du bout du monde, dans Le Finistère, avait déjà montré la voie en installant des toilettes sèches par exemple ; on a beaucoup appris aussi auprès d’eux. Et puis le covoiturage a été promu à l’occasion des concerts, des festivals. On finance également des actions d’ONG. Avec Planet urgence, on a soutenu la plantation d’une forêt de trente-mille arbres en Haïti, c’est la forêt Tryo. On essaie vraiment d’agir où l'on peut, et tout ça dans le plaisir !

Mais le combat ne fait que commencer, pour nous en tant que groupe, autant que pour chacun des citoyens que nous sommes. On a encore beaucoup de pain sur la planche, il faut choisir son camp vite… Et puis finalement l’engagement du groupe se répercute sur chacun d’entre nous. On essaie d’agir à notre échelle individuelle. Parce qu’on fait aussi partie des gens qui ont des téléphones portables, qui mangent (sans doute trop) de viande... On veille donc à moins consommer.

Dans l’ensemble de vos préoccupations, comment la protection des espaces protégés s’inscrit-elle ? Est-ce un enjeu qui résonne chez vous ?

Les campagnes de Sea Shepherd et de Greenpeace nous ont particulièrement sensibilisés à la nécessité de préserver chaque écosystème, chacun dans sa diversité. Pour ma part, j’habite à la campagne en Bretagne et je constate bien au fil des années combien les espaces sont artificialisés, abîmés par le béton. Je me dis qu’on devrait encore plus élargir l’étendue des espaces protégés avant que la productivité ambiante ne les grignote tous, pour que nos enfants aient encore la chance plus tard d’aller en forêt, de se promener dans une campagne préservée. C’est pourquoi on a soutenu avec Tryo la mobilisation contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ; là, c’est à la fois le climat et les espaces naturels qui sont en jeu.

Avec le groupe, on a eu la chance d’aller dans de nombreux endroits du monde, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud. Le problème environnemental se pose partout et on se rend compte que la planète n’est pas si grande ! On le voit particulièrement au Japon… Avec Vent debout, on place notre propos dans la communauté humaine, on est tous dans le même bateau : il faut vivre ensemble et si on veut un avenir pour nos enfants il faut arrêter le massacre. Alors nos espaces protégés, prenez-en bien soin !

Tryo a fait son propre bilan carbone dès 2012. © Ferial