Communication

L'homme n'est pas le centre du monde

 

Espaces naturels n°61 - janvier 2018

Le Dossier

Françoise Serre-Collet, chargée de médiation scientifique Reptiles et Amphibiens, Muséum national d'histoire naturelle, serrecollet@mnhn.fr

Comment lutter contre des croyances telles que les couleuvres têteuses de vaches ou aller à l’encontre de cette rumeur qui prétend que les écologistes ont balancé des caisses de vipères par hélicoptères pour repeupler certaines régions ? Certains en sont persuadés, d’ailleurs c’est vrai, puisque la cousine de l’arrière-grand-père de la tante l’a vu !

Éclosion d'une Couleuvre à collier. © Françoise Serre-Collet, MNHN

Éclosion d'une Couleuvre à collier. © Françoise Serre-Collet, MNHN

Comment, en tant que scientifique, réagir vis-à-vis de toutes ces convictions qui nous paraissent des inepties, comment leur tordre le cou afin d’amener l’humain sur les chemins de la connaissance scientifique ? Par la communication ! Les méthodes classiques (radio, télévision, sites web, articles, conférences, etc.) en sont les piliers, tout comme l’utilisation des collections (inertes ou vivantes). J’aimerais attirer l’attention sur un support particulièrement intéressant : la photographie, qui, grâce au numérique, s’est largement développée ces dernières années.

L’homme est avant tout un animal visuel et une photo de comportement, entre autres, permet de lever les doutes, d’expliquer. Quand on a affaire à une croyance qui veut que les vipéreaux éventrent leur mère pour sortir de son ventre ou que les femelles serpents avalent leurs petits pour les protéger, quoi de mieux qu’un bon support visuel montrant la naissance ou l’alimentation de certaines espèces. Le support photographique s’insère comme illustration dans les livres, articles, sites web comme l’INPN, les posters, les conférences ; c’est aussi l’accroche lors de manifestations comme lors des fêtes scientifiques, festivals photos ou sciences participatives comme « un dragon dans mon jardin ».

Encore faut-il que la photographie ne soit pas source de dérangement pour l’animal, qu’il soit protégé ou non… et qu’on ne se laisse pas tenter par la chasse à la coche, qui conduit nombre de photographes naturalistes à photographier un maximum d’espèces, y compris protégées, parfois pour la gloire d’un post sur Facebook...

On doit également être attentif à notre façon de parler devant un parterre de néophytes… La plupart des naturalistes parlent des animaux en utilisant le partitif : c’est « de » la Couleuvre à collier ou « du » Crapaud commun ! Certains n’y voient aucun manque de respect vis-à-vis de l’animal et pourtant, ce dernier devient du matériel biologique, de la matérialisation du vivant, du déterminisme, du commercial. L’animal perd son statut d’être vivant… ne dit-on pas « du » thon en boîte ? L’homme n’est pas le centre du monde, même si on a tendance à faire comme si… Protégeons les serpents car ils régulent les populations de rongeurs néfastes aux cultures ! Bien sûr, c’est vrai, mais la vraie question serait plutôt, qui sommes-nous pour nous donner le droit de vie ou de mort sur une espèce, quelle qu’elle soit ? La nature ne pourrait-elle rien faire sans l’intervention de l’homme ? Vaste débat. Accrocher le public, le faire venir jusqu’à soi, l’émouvoir par la beauté tout en lui présentant la réalité de la nature sont l’essence d’une bonne communication auprès du grand public.