Responsabiliser les propriétaires de chats
Espaces naturels n°64 - octobre 2018
La prédation des chats sur les animaux sauvages est un fait avéré. En 2017, plus de 11 % des animaux recueillis en centres de sauvegarde de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont été blessés par des chats : 84 % d’oiseaux, 16 % de mammifères ou reptiles. La LPO s’est attaquée à cet épineux problème.
Choyé depuis des millénaires par les humains, le chat, devenu domestique, est aujourd’hui l’animal de compagnie le plus apprécié des Français ; sa population dans nos foyers s’est largement accrue, passant de 10 millions en 2006 à près de 13,5 millions en 20161. Par ailleurs, la population de chats errants est estimée entre 8 et 10 millions, à quoi s’ajoute un nombre inconnu de chats harets (à l’état sauvage).
Le nombre d’oiseaux tués annuellement par des chats s’élèverait à 75 millions en France, 27 millions en Grande-Bretagne2et 500 millions aux États-Unis3. Bien que ces chiffres soient basés sur des extrapolations, l’impact considérable de la prédation des chats est incontestable. Cette prédation est préoccupante pour la petite faune sauvage, notamment dans les zones semi-urbaines soumises à la perte d’habitats et à diverses pollutions.
Le chat est un chasseur opportuniste qui, en général, ne s’attaque pas à des proies plus grandes que lui. L'activité prédatrice du chat varie en fonction de divers facteurs tels que l’âge, la condition physique, le tempérament, la stérilisation, la sécurité alimentaire ou encore les conditions météorologiques, etc. On estime qu’un chat domestique bien nourri capture en moyenne 30 proies par an, contre 270 pour un chat errant et 1 000 pour un chat haret.
Afin de comprendre l’activité prédatrice des chats de propriétaires et d’évaluer leurs impacts sur la faune sauvage, le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM), avec le soutien de la région Île-de-France, ont mis en place un observatoire participatif invitant les propriétaires de chat(s) à partager leurs observations (www.chat-biodiversite.fr). Les premiers résultats montrent que les proies principales sont à 68 % des petits mammifères (Mulot sylvestre, Souris domestique, musaraigne, chauve-souris), à 23 % des oiseaux (mésange, Merle noir, Rouge-gorge familier) et à 9 % des reptiles (Lézard des murailles, Tarente de Maurétanie). Les rongeurs représentent moins de 50 % des proies rapportées. Cinquante-six pourcents des proies ne sont pas consommées par les chats.
PRÉVENIR LA PRÉDATION
Face à ce constat, en 2016, la LPO a conduit une étude pour recenser les moyens de prévention, faire la synthèse des connaissances sur les actions préventives existant à l’échelle mondiale, explorer les méthodes complémentaires, et enfin comparer leur efficacité. Quarante propriétaires de jardins en Charente-Maritime se sont portés volontaires pour tester, pendant une période de deux mois, différents dispositifs d’éloignement des chats et de protection de la petite faune (grille stop chats, répulsif maison, plantes Coleus canina, dispositif à ultrasons catwatch®).
Bien qu’aucune solution ne soit susceptible de supprimer totalement la prédation des chats, cette étude et d’autres expérimentations menées en France et dans le monde ont montré l'efficacité de différents moyens de prévention à la prédation, permettant d’élaborer quelques bonnes pratiques pour réduire le nombre d’attaques. Les solutions préconisées ont prouvé leur efficacité tout en respectant le bien-être du chat.
RESPONSABILISER LES PROPRIÉTAIRES SUR LEUR ENGAGEMENT
Adopter un chat au sein d’un foyer constitue un engagement et présume d’être en capacité (financière, matérielle, psychologique, etc.), d’assumer ce nouveau compagnon. Lui consacrer du temps, le nourrir, le soigner, jouer avec lui, et assurer son bien-être y compris pendant les vacances, afin de limiter la tentation ou le besoin de prédation.
La stérilisation du chat de compagnie permet de limiter les naissances, les abandons et donc l’augmentation de la population de chats errants qui, du fait des conditions difficiles de subsistance, ont un niveau de prédation important sur la petite faune sauvage . Pour limiter la prédation de son chat de compagnie, il faut lui laisser un libre accès à une alimentation variée et ne pas le laisser sortir au petit matin ou à la tombée de la nuit.
AMÉNAGER SON JARDIN
Il est possible d'équiper son jardin afin de protéger ses mangeoires et nichoirs qui doivent être installés hors de portée des chats. Différents dispositifs existent pour éloigner le chat (répulsif maison, plante répulsive, catwatch®, etc.) ou pour l'empêcher d’accéder aux zones sensibles (grille, « stop minou », etc.). Afin de sensibiliser le grand public mais également les professionnels (toiletteurs, vétérinaires, éducateurs, etc.), la LPO a développé, avec son partenaire Mars Petcare, ainsi que des vétérinaires et des comportementalistes pour félins, plusieurs outils pédagogiques (affiche, exposition, vidéos).
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(1) Enquête FACCO/KANTAR-TNS (2016)
(2) Source : Mammal Society.
(3) A Summary and Comparison of Bird Mortality from Anthropogenic Causes with an Emphasis on Collisions. W.P. Erickson, G.D. Johnson et D.P. Young Jr, USDA Forest Service General Technical Report. 2005 et « Le Silence des oiseaux », documentaire de Susan Rynard, Arte, 2015.