Surveiller : pourquoi et comment ?
Espaces naturels n°64 - octobre 2018
Surveillance réglementaire et surveillance écologique sont les principales actions mises en oeuvre pour juguler les espèces exotiques envahissantes (EEE). Elles sont étroitement liées.
La surveillance des EEE est utilisée à des fins préventives, en vue de limiter leurs effets sur la diversité biologique, de limiter le coût des actions et de suivre et de comprendre les phénomènes liés aux invasions biologiques par des inventaires et des suivis. Elle comprend deux types d’action : (i) La surveillance réglementaire, qui liste, sur des arrêtés ou des règlements, des espèces sur un territoire donné dans un but préventif et de police de la nature. Les règlements d’exécution européens sur les EEE listent des espèces préoccupantes pour l’UE (cf. article p. 28-29). Des actions de surveillance doivent être mises en place et l’article 14 du règlement 1143/2014 précise que les systèmes de surveillance des États membres doivent permettre de collecter et d'enregistrer les données relatives à l'apparition dans l'environnement d'espèces exotiques envahissantes. Cette surveillance réglementaire est par conséquent étroitement liée à un autre type de surveillance : (ii) La surveillance écologique, qui consiste à identifier et suivre dans le temps, la distribution, l’abondance, ou les effets des EEE. Elle concerne différents stades de progression d’une EEE et se concrétise sous trois modes de surveillance : l’alerte qui confirme la présence d’une espèce jusqu’alors absente d’un territoire ou d’une partie d’un territoire ; la détection précoce qui atteste de la présence d’une espèce encore peu répandue sur une partie d’un territoire ; le suivi qui est une collecte en continu et une analyse d’informations pour suivre une espèce déjà implantée sur un territoire.
UNE SURVEILLANCE MORCELÉE
En France, une première synthèse sur les lacunes et les points forts de la surveillance écologique des EEE est présentée dans le document de diagnostic et recommandation pour l’acquisition des connaissances naturalistes. En avril 2018, une réunion du groupe de travail national relatif au système de surveillance des EEE a permis de faire émerger ces points au sein des structures présentes à cette réunion. Il ressort que la surveillance des EEE est morcelée sur le territoire français malgré les nombreuses initiatives existantes en métropole et en Outre-mer (fiches alertes, programmes de sciences participatives, enquêtes, observatoires, relevés par des agents de terrain, etc.). Les données naturalistes des EEE, hormis quelques cas, sont plutôt opportunistes (surveillance passive) et non mutualisées avec une faible transmission des informations au niveau national. La surveillance peut être renforcée en formant et en mobilisant les acteurs de terrain à la détection ou le suivi d’espèces introduites (surveillance active). Néanmoins, le premier rapportage pour le règlement européen EEE aura lieu en 2019 et sera l’occasion de faire un premier bilan national sur les espèces introduites listées dans les règlements d’exécution ou les directives européennes (Directive-cadre sur l'eau [DCE], Directive-cadre stratégie pour le milieu marin [DCSMM], etc.). Cette synthèse permettra de renforcer le système de surveillance basé sur l’existant avec une meilleure coordination des acteurs et une remontée plus rapide des données en cas d’alerte.
SURVEILLANCE DES EEE EN MILIEU MARIN
La directive cadre Stratégie pour le milieu marin (2008/56/CE) prévoit trois sous-programmes de surveillance pour les espèces non indigènes (ENI, soit EEE + espèces introduites marines) : (1) suivre l’introduction des ENI via les principaux vecteurs, (2) identifier les zones à risques et sensibles et (3) caractériser les impacts des ENI. Le programme de surveillance de cette directive pourra répondre à la stratégie nationale EEE et au règlement européen EEE sur le volet marin.