>>> Le droit dans sa pratique

La « psychologie » de l’interpellation

 

Espaces naturels n°8 - octobre 2004

Droit - Police de la nature

Denis Brouillet

 

Comment se comporter lors d’une interpellation ? Tout d’abord, observer ce que fait le futur contrevenant et décider si cette action doit se traduire par une sanction ou une action pédagogique. Ne jamais se précipiter. Puis, lors de la confrontation, s’identifier au représentant de la loi : rester calme, digne, éviter tout dérapage et toute dispersion. Et toujours : garder à l’esprit sa propre sécurité.

Dans son sens étymologique « interpellation » emprunte le sens de « interrompre » et de « déranger ». C’est dire que la situation d’interpellation ne s’apparente absolument pas à une situation de communication. Par essence, la situation d’interpellation est une intrusion.
Par conséquent, il est impératif qu’avant toute action les motifs de l’interpellation soient clairement établis. Pour cela l’agent doit : 1) observer de façon précise ce que fait le futur « contrevenant » ; 2) décider si le comportement observé doit donner lieu à une interpellation ; 3) décider au vue de la législation et de la politique pénale de l’espace naturel si cette interpellation doit se traduire par une sanction (procès verbal ou éventuellement un timbre amende selon la politique définie) ou par une action pédagogique (elle s’apparente à un avertissement doublé d’une « leçon » de protection de l’environnement ; 4) analyser la situation en termes de sécurité et de faisabilité.
Une fois la décision d’interpellation prise l’agent doit savoir que l’interpellation sera toujours vécue comme une ingérence dans l’espace de liberté que s’est octroyé le contrevenant. Qui dit ingérence dit inévitablement réaction de défense de la part de celui qui est interpellé. Cette réaction de défense peut être de deux types : soit la soumission (espoir de voir la sanction réduite), soit l’attaque (faire peur dans l’espoir que la sanction ne s’applique pas). Il est bien entendu qu’une réaction de soumission peut se transformer en attaque et vice-versa.
L’interpellation vise prioritairement
à faire cesser l’infraction
Concernant la phase qui précède l’interpellation, l’agent ne doit pas se précipiter (sauf cas où il « tombe » sur l’infraction). Il a le temps et la connaissance du terrain pour lui. En effet, il est essentiel qu’au moment de l’intervention, il ne soit plus préoccupé de savoir s’il a raison ou tort d’intervenir, si l’action qu’il va mettre en œuvre est appropriée ou non, si sa sécurité est assurée. Débarrassé de toutes ces contingences, il pourra se concentrer sur le but qu’il s’est fixé et sur le comportement du contrevenant : attitude, gestes, ton de la voix.
Concernant l’interpellation elle-même, sa seule préoccupation sera de faire cesser l’infraction et de la mener à son terme, dans un temps relativement court. Par conséquent, les remarques et les questions du contrevenant, sans dire qu’elles doivent être ignorées, ne doivent pas donner lieu à discussion. Mais mener à son terme l’interpellation ne signifie pas aboutir coûte que coûte. Si la situation engendrée par l’interpellation met la sécurité (réelle ou ressentie) de l’agent en péril, il doit savoir rompre car en tant qu’agent de constatation, il pourra tout de même établir un procès-verbal et en référer à la police ou à la gendarmerie.
Quelle que soit l’interpellation, l’agent doit s’identifier comme « police de l’environnement » (le mot police est parlant). Si l’attitude de l’agent ne doit pas être agressive (arrogance, intervention brutale), elle doit engendrer le respect et l’autorité (il représente la Loi) : par le ton de la voix, par le port (la qualité de la tenue vestimentaire y contribue grandement) et par la distance qui est mise entre lui et le contrevenant. En aucune manière il ne doit donner l’impression de s’excuser de faire ce qu’il fait. Dans le cas où l’agent est accompagné d’un collègue, il doit intervenir tout seul. L’autre est là pour surveiller et sécuriser la situation d’interpellation. Dans le cas où il y aurait plusieurs personnes, l’agent doit essayer, dans la mesure de ses possibilités, de ne s’adresser qu’à la personne ayant commis l’infraction. S’il est avec un collègue, celui-ci peut inviter les autres personnes à venir observer quelque chose de particulier, mais en n’oubliant pas qu’il est en situation d’interpellation et accompagnateur d’une sortie à thème !
Si l’agent a opté pour une interpellation « pédagogique », son souci sera de faire comprendre que le comportement du contrevenant répété plusieurs fois met en péril l’environnement et que s’il venait à se reproduire, il y aurait sanction. L’interpellation pédagogique doit être réduite dans le temps et doit être centrée exclusivement sur « l’infraction », car il faut éviter tout dérapage et toute dispersion.
Si l’agent a opté pour l’interpellation « sanction » son souci permanent, sera sa sécurité (faire décharger l’arme, faire poser tout objet tenu, respecter la distance de sécurité, être en capacité de partir). Ici, plus encore que dans l’interpellation pédagogique, le temps de l’intervention doit être limité et il faut éviter d’engager une discussion à propos de l’infraction. En revanche, l’agent doit rappeler que sa fonction est seulement de constater et de rapporter l’infraction. La suite qui sera donnée dépendra du procureur de la République. Si l’agent doit exiger d’être respecté (il ne peut pas admettre d’être insulté), son attitude ne doit pas s’apparenter à du harcèlement (si le contrevenant ne veut pas se soumettre il ne faut insister) ou à une volonté d’humiliation (saisir l’arme, coûte que coûte, par exemple). Mais il est impératif que l’agent signale au contrevenant que tout ce à quoi il n’a pas voulu obtempérer sera consigné (il peut changer d’avis !).
Pour conclure, l’interpellation suppose que l’observation dont elle part soit la plus précise possible et que l’agent ait à l’esprit qu’il doit avant tout constater et transmettre, respecter la dignité de l’autre et privilégier sa sécurité.