>>> Restauration des tourbières et des prairies humides en Aveyron

Les agriculteurs mobilisés pour les tourbières

 

Espaces naturels n°8 - octobre 2004

Le Dossier

Nicolas Delbreilh
Agence de l’eau Adour Garonne
Nicolas Cayssiols
Adasea de l’Aveyron
 

La démarche sensibilise les différents acteurs à la restauration de tourbières à l’échelle départementale.  Aujourd’hui, après deux ans, 166 zones humides pour un total de 447 hectares bénéficient de mesures de protection.

Restaurer les tourbières et réunir autour de cet objectif commun, les professionnels agricoles, les services de l’État, les établissements publics et les scientifiques, telle est la démarche conduite en Aveyron par l’Agence de l’eau Adour Garonne avec l’Association départementale pour l’aménagement des structures agricoles1. Deux ans après le début de l’action, on constate un volontariat fort des agriculteurs qui s’engagent dans des opérations contractuelles visant à l’entretien des zones humides fragiles. Succès donc de la première tranche ! Certes, cette réussite doit être analysée en tenant compte des conditions spécifiques à la région. Citons tout d’abord l’existence du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Adour Garonne (Sdage) qui prescrit la sauvegarde et la restauration des zones humides. Le Sdage classe ces milieux en « Zones vertes » et intègre leur gestion aux décisions publiques.
Depuis 1995, de nombreuses opérations de gestion des tourbières et milieux humides, notamment des MAE, ont été menées sur l’Aubrac et le Lévézou Aveyronnais.
Pendant ces deux années d’expérimentation, l’action s’est déroulée en trois phases consécutives.
1. Diagnostic des territoires
343 sites ont ainsi été identifiés et cartographiés sur SIG (Système d’information géographique) en s’appuyant sur les zonages des sites sous contrat : MAE, Fger, sur les Znieff 1; mais aussi sur les sites du programme « Life tourbières » et sur les zones humides répertoriées par des botanistes locaux.
Ce travail permit de visualiser les zones plus ou moins richement dotées en milieux humides et de définir les bassins versant où l’emprise des zones hydromorphes était proportionnellement la plus importante. Ainsi, la gestion de quatre sous-bassins versant sur dix du massif de l’Aubrac et de cinq sur douze du Lévezou devait permettre d’assurer la sauvegarde de respectivement 80 et 85 % des zones humides des deux Zones vertes.
2. Élaboration d’un cahier des charges cohérent
La définition d’un nouveau cahier des charges fut réalisée à partir d’une enquête auprès de cinquante agriculteurs. Elle a conduit à revoir le cahier des charges appliqué pour les MAE et à tenir compte, dans une nouvelle rédaction, des exigences du milieu et des « doléances » des agriculteurs. Les remarques concernaient principalement les chargements et les périodes de pâturages. Du reste, l’état de conservation favorable des certaines tourbières et prairies humides conforte l’idée que les pratiques agricoles adoptées par certains exploitants n’étaient pas si loin des bonnes pratiques en termes de conservation des tourbières. Aussi, le cahier des charges fut élaboré à partir d’exemples inspirés du terrain et validé tant par les professionnels agricoles que par les experts naturalistes participant au comité de pilotage.
Ce nouveau cahier des charges, également proposé dans le cadre du volet environnemental des Contrats territoriaux d’exploitation (CTE puis CAD), fut validé en Comité départemental d’orientation agricole (CDOA) de l’Aveyron,1 en juillet 2001. Ce document unique pour tous les contrats portant sur les zones humides du département (CTE, Natura 2000, programme Agence) constitue ainsi une simplification des démarches tant administratives que financières et techniques.
3. La phase opérationnelle
L’objectif initial de cette démarche restait la mise en œuvre de plans de gestion des Zones vertes. Aussi un programme de contractualisation triennal a été établi sur la base des demandes volontaires exprimées par les agriculteurs lors de réunions de sensibilisation. Au lancement du programme, près de 160 exploitants s’étaient inscrits volontairement dans la démarche. Toutefois, cinquante d’entre eux n’ont pas été rencontrés car ayant déjà contractualisé un CTE ou un contrat Prime herbagère agro-environnementale (Phae) sur leurs parcelles humides. Sur les deux campagnes d’inventaire, été 2002 et 2003, ont été inventoriés et cartographiés 126 sites humides sur le massif de l’Aubrac et 40 sites en Lévezou, pour un total de 447 ha de milieux humides.
Sur ces 166 sites répertoriés, 65 n’avaient jamais été identifiés. Parmi ces sites on compte douze tourbières de grande valeur patrimoniale dont trois d’intérêt national.
Au niveau agronomique, les premiers constats de terrain montrent que les zones étudiées sont plus fréquemment de faciès de sous-pâturage. En effet, en gestionnaires de l’herbe, les agriculteurs tiennent surtout compte du fourrage disponible hors zone humide. Les bêtes, quant-à elles, se nourrissent préférentiellement en périphérie des sites humides. De ce fait, même avec des chargements proches de 2 UGB/ha, certaines zones humides ne sont que relativement peu pâturées. Aussi, dans certains cas, hors périodes estivales marquées, le recours à des clôtures de refend s’impose et permet tout à la fois un pâturage correct sans avoir pour autant à diviser le troupeau ou à faire séjourner ce dernier plus de jours qu’il n’en faut.
Ce programme a ainsi permis de constater que la prise de conscience de l’intérêt de sauvegarder les milieux humides progresse. Cette thématique trouve peu à peu la place qui doit être la sienne dans les préoccupations citoyennes. Ce programme permet également, par ses actions de sensibilisation et de préservation, de limiter les grosses opérations pudiquement appelées « d’amélioration foncière ». Travaux toujours financés par des aides publiques et qui malheureusement continuent « d’assainir » chaque année des dizaines d’hectares de zones trop humides !

1. Adasea : Association départementale pour l’aménagement des structures et exploitations agricoles.
CTE : contrat territorial d’exploitation.
MAE : mesure agri-environnementale.
SIG : système d’information géographique
PHAE : prime herbagère agro-environnementale.
FGER : fond de gestion de l’espace rural
Znieff : zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique.