Quelle valorisation économique ?

 
Pâturage ovin en milieu naturel

Espaces naturels n°8 - octobre 2004

Le Dossier

Céline Peillon
Espace naturel comtois

 

Depuis 1999, Espace naturel comtois (Conservatoire des espaces naturels de Franche-Comté) a mis en place un pâturage ovin afin de préserver et de gérer durablement 106 hectares de pelouses sèches et fruticées sur la commune de Champlitte en Haute-Saône. L’élevage en régie a été privilégié avec le souhait d’une viabilité économique sur le long terme. Cette option apporte la possibilité de suivre l’ensemble de la filière, de la naissance des agneaux jusqu’à la vente, et de soumettre le pâturage à un cahier des charges précis adapté aux pelouses sèches. Cependant, elle nécessite l’embauche d’un berger ainsi que des connaissances d’élevage et de conduite d’un troupeau.

Espace naturel comtois a intégré une filière courte avec une supérette de la commune. La gestion de l’abattage est réalisée par le boucher, les agneaux étant vendus vivants, ce qui permet d’éviter les charges de fonctionnement inhérentes à l’abattage (véhicules adaptés, distance de l’abattoir…), tout en tirant un meilleur profit de la vente que par une filière classique. Par ailleurs, l’origine des produits est mise en avant avec une vente sous l’appellation « Agneaux des pelouses de Champlitte », valorisant ainsi la gestion effectuée sur les pelouses sèches. Toutefois, si cette vente directe d’animaux vifs permet de suivre la filière commercialisation, elle ne peut être valable que dans le cas d’une petite exploitation. Dans l’objectif de viabilité économique du projet, le troupeau de brebis augmente progressivement (88 bêtes aujourd’hui) et la filière locale montre alors ses limites en termes de débouchés.
Le choix d’une race adaptée
Autre aspect à prendre en compte, le choix de la race est fondamental. En effet, si des qualités de rusticité sont nécessaires au pâturage sur des milieux contraignants tels que les pelouses sèches, les agneaux doivent également disposer d’une bonne conformation pour la valorisation économique des produits. La race limousine a ici été privilégiée pour ses capacités d’élevage en plein air avec un hivernage en bergerie réduit à trois mois.
Cependant, de par leurs caractères génétiques, leur rusticité, mais également de par la médiocre qualité nutritionnelle du milieu pâturé, les agneaux ne disposent pas d’une très bonne conformation et sont généralement classés en catégorie « O » d’après le système officiel français « EUROP » de classification commerciale des carcasses d’agneaux (E représentant le niveau de meilleure conformation, P le moins bon). Les gigots, par exemple, sont plutôt de forme allongée que ronde. Cette appréciation a restreint les potentialités de vente, les consommateurs préférant des gigots mieux conformés. La saillie avec un bélier suffolk, une race de meilleure conformation, n’a pas permis de pallier suffisamment ce problème. Il a donc fallu s’orienter vers une filière ovine (du type coopérative), plus classique, qui elle, ne valorise pas l’origine du produit.
Si la qualité du produit est indéniable (elle est d’ailleurs mise en avant lors de la vente), l’adéquation avec les exigences des consommateurs est indispensable pour la viabilité d’un tel projet. Dans cet objectif, il est nécessaire de trouver des débouchés suffisamment étendus afin d’écouler les agneaux, tout en conservant la spécificité de leur origine. Par ailleurs, la possibilité de création d’un label, constituant une solution alternative, avait été étudiée en partenariat avec le Conservatoire des sites bourguignons. Cette réflexion, qui n’a pu encore aboutir, ne préjuge en rien de la pertinence de la démarche de proximité entreprise. Bien au contraire.