Patrimoine naturel

Protection foncière : un éventail d’outils en évolution

 

Espaces naturels n°64 - octobre 2018

Droit - Police de la nature

De nombreux outils juridiques de protection définissent les interdictions, les obligations et les droits de tout un chacun vis-à-vis du foncier. Parmi ceux-ci, l’Obligation réelle environnementale (ORE)1 s’annonce comme une mesure innovante renforçant les stratégies foncières sur le terrain. 

1ere ORE - Commune de Yenne - Crédit : M. Bouron

La commune de Yenne et le CEN Savoie ont signé la première ORE patrimoniale le 14 mai dernier pour une durée de 30 ans pour le Marais des Lagneux. - Crédit : M. Bouron

À côté de la protection réglementaire des espaces naturels, il existe en France un large éventail d'outils juridiques de protection foncière2. Le plus souvent, cette protection passe par l’acquisition d’espaces naturels qui constitue un instrument efficace pour assurer la conservation des habitats naturels et des espèces au sein de sites, publics ou privés, faisant ou non l'objet d'une protection réglementaire (parcs nationaux, réserves naturelles, etc.).

L'ACQUISITION FONCIÈRE

L’acquisition foncière est un outil de protection et de valorisation du patrimoine naturel. Elle constitue un instrument efficace pour assurer la conservation des habitats et des espèces, contrôler l’utilisation des terrains concernés, les soustraire à divers types de spéculation (en particulier immobilière), assurer une gestion écologique et paysagère. L'acquéreur en pleine propriété bénéficie ainsi de tous les droits liés à la qualité de propriétaire (possibilité de gérer librement le bien, de le céder, d'en tirer des revenus). Cette acquisition peut se réaliser par diverses personnes privées ou publiques et par différents moyens : à l'amiable, par préemption et par expropriation. L'expropriation est une procédure lourde et très peu utilisée. Elle permet à un organisme public de contraindre un particulier ou un autre organisme à céder sa propriété, moyennant le paiement d'une indemnité.

L’acquisition foncière est un outil de protection et de valorisation du patrimoine naturel.

Toute expropriation doit être justifiée par une déclaration d'utilité publique. Le droit de préemption est, quant à lui, défini comme la faculté reconnue à une personne privée (locataire, Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural - [SAFER], etc.) ou publique (collectivité territoriale, établissement public, etc.) de se substituer à l’acquéreur d’un bien immobilier que son propriétaire a mis en vente. Pour exercer le droit de préemption, son titulaire doit être informé de tout projet de cession et le bien immobilier doit être situé dans une zone de préemption préalablement définie. Dans cet objectif de protection, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), établissement public de l’État, acquiert des terrains afin de sauvegarder des espaces naturels et des paysages sur les littoraux et les rivages, limitant ainsi le développement d’infrastructures. Il achète essentiellement des parcelles à l’amiable mais il intervient aussi à la suite de l'exercice de son droit de préemption ou, plus exceptionnellement, dans le cadre d'une procédure d'expropriation. De la même façon, les départements peuvent acquérir des terrains compris dans des zones situées au sein d'un Espace naturel sensible (ENS, périmètre identifié présentant un fort intérêt ou une fonction biologique et/ou paysagère). Les terrains acquis par le département doivent être aménagés pour le public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel.

LA GESTION CONVENTIONNELLE

La gestion conventionnelle des espaces naturels donne lieu à un nombre croissant de contrats entre partenaires privés et/ou publics. C'est le cas, notamment, pour la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 qui a pour objectif de contribuer à préserver la diversité biologique des espèces et des habitats sur le territoire de l’Union européenne dans une logique de développement durable. Le contrat Natura 2000 conclu entre l’État (préfet) et le propriétaire d’une parcelle incluse dans un site Natura 2000 définit les engagements à respecter. En s'engageant par convention, les différents acteurs s'impliquent davantage dans la protection des espaces naturels. Des conventions de gestion peuvent ainsi être signées par un propriétaire privé ou public avec, notamment, une collectivité territoriale, une Safer, un établissement public, une association, etc. Il s'agit d'un outil contractuel utilisé pour mettre en place une gestion adaptée. Cette convention de gestion prévoit les obligations à charge du gestionnaire et les conditions financières de la gestion. Le gestionnaire étant essentiellement chargé d'entretenir, d'aménager et de réaliser les travaux nécessaires à la protection du terrain, dans le respect de la convention.

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a créé l'Obligation réelle environnementale.

L'outil conventionnel est notamment largement utilisé par les Conservatoires d’espaces naturels (CEN), associations à but non lucratif, qui préservent le patrimoine naturel et paysager outre par la maîtrise foncière (acquisitions, dons, legs, etc.) mais également par la maîtrise d'usage (locations, conventions de mise à disposition, baux emphytéotiques, etc.) avec les propriétaires privés ou publics de terrains protégés réglementairement ou non. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a créé l'Obligation réelle environnementale (ORE) (cf. encadré ci-contre). Le 14 mai 2018, la commune de Yenne et le CEN Savoie ont ainsi conclu la première obligation réelle environnementale patrimoniale en France, avec l’appui technique de la Fédération des CEN et l’appui financier de l’Agence française pour la biodiversité.

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(1) Créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016. Plus d'information : bit.ly/2oPjxpP, voir le guide co-édité par le MTES et le Cerema en juin 2018 : bit.ly/2M17bUw. 
(2) Pour plus d’information, se référer au dossier d’Espaces naturels n° 50 (avril-juin 2015) : « Un espace naturel : j'achète ? » 
(3) Loi n°2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. (4) Article 2 de la charte de l’environnement insérée au préambule de la Constitution française. (5) Article L.132-3, 1e alinéa, Code de l’environnement. (6) Article L.132-3 Code de l’environnement.