Fourrage

Mangez équilibré, mangez biodiversité

 
Le Dossier

Bernard Amiaud, Université de Lorraine

Pour les troupeaux aussi, la variété est positive. La biodiversité contribue à la valeur nutritionnelle d'une prairie : un équilibre agri-écologique à ne pas négliger.

Chèvre d'Appenzell, particulièrement adaptée à la pratique de la transhumance.

Chèvre d'Appenzell, particulièrement adaptée à la pratique de la transhumance. © Moritz Schmaltz

Un sentiment encore très répandu est que biodiversité et valeur fourragère s’opposent fortement. Les uns déplorent la faible production des prairies à forte biodiversité et estiment que les politiques publiques environnementales les poussent à ne pas intensifier. Les autres regrettent la banalisation écologique des prairies faisant l’objet d’une forte intensification en vue d’accroître le rendement. Mais depuis 2010 et l’expérience des mesures agri-environnementales à obligation de résultats (et non de moyens), et avec le concours général agricole des prairies fleuries (www.concours-agricole.com), les opinions commencent à bouger et la notion d’un équilibre agri-écologique des prairies, qui peuvent atteindre à la fois des objectifs fourragers et écologiques, fait son chemin.

Ce changement résulte d’un élargissement des perspectives. Le rendement et la valeur alimentaire (énergie, azote, minéraux) classiquement évalués ne suffisent plus à comprendre l’intérêt d’une prairie pour un éleveur. Sa capacité à maintenir sa production ou sa qualité plus longtemps (ou « souplesse d’exploitation »), à conserver du fourrage sur pied plus tard, à contenir des plantes aromatiques qui vont donner du goût aux produits (fromages et foin), ou des plantes à vertus thérapeutiques, comme des plantes riches en tanins antiparasitaires, sont autant de composantes de la valeur fourragère souvent ignorées. Sur le plan écologique, la notion d’habitat naturel favorable, reconnue à la parcelle de prairie, à telle ou telle espèce de plante ou d’animal, est étendue à l’ensemble de la biodiversité et intègre les éléments en bordures des parcelles (haies, arbres isolés, murets de pierre sèche, etc.). La prairie peut également être analysée d’un point de vue fonctionnel, par les services qu’elle peut rendre (ex. résistance à des aléas climatiques permise par le maintien d’une diversité fonctionnelle). 

Source : ScopelaParler d’équilibre agri-écologique, c’est aussi reconnaître qu’un niveau élevé de biodiversité (qui contribue aux caractéristiques ci-dessus) est un atout pour l’accomplissement de toutes les fonctionnalités fourragères. C’est par exemple le cas de la souplesse d’exploitation reliée à la diversité des phénologies des espèces végétales présentes. Inversement, les pratiques agricoles sont indispensables au maintien des fonctionnalités écologiques, à condition de les raisonner dans cet esprit. Des prairies à fort équilibre agri-écologique : c’est possible ! Il suffit de le demander aux agriculteurs, agronomes et écologues qui ont évalué plus de 1 500 prairies lors des concours prairies fleuries depuis 2007.