Littérature

L’expression artistique nourrie par la nature… Une lapalissade !

 
Le Dossier

Bénédicte Lefèvre, Afie.

Tout comme à Fontainebleau, le milieu artistique est en grande partie à l'origine de la protection de Port-Cros. Résidence d'été des auteurs de la Nouvelle Revue Française, l'île a inspiré de nombreux auteurs.

Port-Cros, où Jules Supervielle venait se ressourcer de 1925 à 1939.

Port-Cros, où Jules Supervielle venait se ressourcer de 1925 à 1939. © F. Capoulade - Parc national Port-Cros

Vers 1920, l'île de Port-Cros est redécouverte par Marceline Henry, violoniste, qui y fait venir son amant, Claude Balyne, sous-préfet et poète, puis son mari, Marcel Henry, notaire et entomologiste. Aidés de Christiane et Robert Buffet, ils oeuvrent pour la préservation de la beauté et du caractère sauvage de l’île en développant, faute de fortune personnelle, une auberge, l’Hôtellerie provençale, puis le Manoir (ancien château du Duc de Vicence). Ils ont en effet compris que le potentiel touristique devait intégrer la fragilité des lieux. Port-Cros attire alors les artistes hébergés au Fort de la Vigie, ouvrage militaire loué par la Nouvelle Revue Française (NRF), revue de référence éditée par Gallimard. C’est sur les conseils des Henry que le rédacteur en chef de la NRF, Jean Paulhan, accueille à la Vigie, chaque été et jusqu’au début de la première guerre mondiale, une communauté d’auteurs (André Gide, Denis de Rougemont, Marcel Jouhandeau, Max Jacob…). Les années 1930 marquent l’âge d’or de la NRF sur l'île. L’originalité de la résidence d’écrivains est de s’inscrire dans une approche collective : au-delà de l’écriture, les écrivains se lisent mutuellement, discutent de leurs oeuvres, en profitant des « beautés naturelles » de Port-Cros. André Malraux a également séjourné au Fortin de la Vigie, trouvant sur l’île le calme et la sérénité propices à l’expression artistique. Devenu ministre, il sera à l’origine de la création du Parc national, en 1963.

Sur les pas de ces amoureux de nature, dont l’idéalisme préfigurait la vision écologique moderne, le Parc national et les éditions Gallimard valorisent ce patrimoine et cette résidence d’écrivains : « le sentier des écrivains » permet de découvrir les ambiances et les lieux mythiques du site ; des rencontres littéraires favorisent les échanges avec les auteurs de la NRF. Pierre Buffet, petit-neveu et héritier des Henry, perpétue au Manoir l’esprit instauré par ses parents (Christiane et Robert Buffet) à l’Hôtellerie provençale et il a réuni ses souvenirs dans un livre1 édité par Claire Paulhan, archiviste et petite-fille de Jean Paulhan. Françoise Thurel, ancienne responsable du service tourisme durable et culture du parc national, invite ainsi les espaces naturels à mettre en valeur leur lien avec les artistes2 : « En favorisant la venue et la collaboration d'auteurs, avec la création d'un itinéraire et d'une brochure de découverte dédiés aux écrivaines, avec la sensibilisation des habitants à travers des animations littéraires et des propositions de participation, l'île devrait se trouver renforcée dans son pouvoir d'attraction autour de l'imaginaire et des la contemplation et attirer un public réceptif. »

(1) « Port-Cros, une île littéraire ».
(2) Port-Cros et son héritage culturel, Scientific Reports of Port-Cros National Park, 2015.