Définir le caractère d’un territoire

Esprit es-tu là ?

 

Espaces naturels n°27 - juillet 2009

Le Dossier

Michelle Sabatier
Atelier technique des espaces naturels

Les lois, celle de 1930 sur la protection des sites mais aussi plus récemment celle de 2006 concernant les parcs nationaux, font appel à la notion de « caractère » pour justifier leur protection. À l’image des inspecteurs des sites, les gestionnaires ont dû argumenter pour objectiver cette notion avec les acteurs locaux en envisageant, en dernier recours, l’éventualité d’une décision de justice.
Les gestionnaires d’espaces naturels veulent défendre le caractère d’un territoire pour le transmettre et le révéler en même temps. Or leur réussite dépendra de leur capacité d’entraînement et de conviction ainsi que de la légitimité dont ils sauront enrichir leur démarche. Car, effectivement, les pièges sont nombreux. Il en est ainsi du « fétichisme patrimonial » qui voudrait que rien de bon ne soit à attendre du présent ou encore de l’ignorance des états antérieurs : le territoire a évolué, il évolue et il évoluera. Alors quelle est l’époque « juste » de référence ? Ne se situe-t-elle pas dans l’avenir ?
De même, pour transmettre le caractère d’un territoire, on est souvent tenté de faire référence au « cliché », à la carte postale la plus convenue.
La question fondamentale est de savoir sur quoi repose véritablement ce caractère et de concevoir que l’esprit d’un lieu résulte d’une composition complexe articulée autour d’un cadre physique, de représentations et de valeurs sociales. Les parcs nationaux1 le résument ainsi : « Intérêt spécial que présentent le milieu naturel (la faune, la flore, le sol, le sous-sol, l’atmosphère, les eaux), les paysages, le patrimoine culturel, matériel ou immatériel, dans leur diversité, leur composition, leur aspect et leur évolution, en prenant en compte la pluralité de perceptions et de valeurs qui leur sont rattachées. »
Mais pour transmettre cet esprit des lieux et dépasser les difficultés, il faut conduire une démarche collective destinée à enrichir la notion : ce n’est pas la froide description qui l’exprime, mais essentiellement l’émotion surgie de la rencontre d’un lieu et d’une sensibilité. La création qu’il a suscitée sous des aspects multiples : artistique, artisanale, paysagère, culinaire, légendaire… Sans oublier l’empreinte qu’en portent en eux ceux qui l’habitent ou le fréquentent : car le territoire façonne l’homme aussi, il pose sa marque.