>>> Jumelage international de deux sites Ramsar

L’enfance d’un jumelage

 

Espaces naturels n°2 - avril 2003

Vu ailleurs

Marc Lutz
Tour du Valat

 

Le jumelage de la lagune de la Merja Zerga (Maroc) et de l’étang de l’Or (France) a été initié en 2000. Pleinement inscrit dans la démarche de coopération entre sites Ramsar, il ambitionne de couvrir tout le spectre des échanges techniques : dialogue, échange d’informations, d’expériences et de savoir-faire. Pour lui donner corps, ses promoteurs parièrent d’emblée sur des échanges scolaires. Mais n’était-ce pas une stratégie rebattue ? Ne risquait-on pas d’éluder la coopération technique pour la dévoyer en échanges culturels ? Trois années après, un plan d’actions est engagé.

Mai 2001, 45 élèves des écoles de Lunel et Pérols (Hérault), accompagnés de 20 adultes, traversent la Méditerranée pour un séjour de huit jours au Maroc. Un an plus tard, 50 élèves des classes de Moulay Bousselham font le voyage dans l’autre sens, eux-mêmes suivis par une délégation de décideurs et socioprofessionnels.
Une véritable
« stratégie enfants »
Daniel Crépin, de la Diren Languedoc-Roussillon, rappelle que lors des premiers échanges avec les représentants marocains, l’idée de s’appuyer sur des échanges scolaires s’est immédiatement imposée. La stratégie était triple : s’appuyer sur l’accueil et la prise en charge des enfants pour fonder des relations humaines qualitatives ; utiliser l’effet levier du travail pédagogique pour sensibiliser toute une population ; impliquer les adultes par le biais des enfants.
C’est ainsi qu’un concours fut organisé auprès des écoles primaires par le syndicat mixte de gestion de l’étang de l’Or (SMGEO). Pour gagner, les classes devaient réaliser un projet pédagogique et expliquer le fonctionnement de l’étang. Six classes concoururent. Deux furent retenues. Tout le projet pédagogique d’une année scolaire était en jeu. Le travail de sensibilisation faisait son chemin du côté français.
Nathalie Vazzoler-Antoine, technicienne du SMGEO, se souvient que rien ne fut simple. Dès qu’il s’agit d’enfants, l’organisation se complique. Il a fallu trouver les instituteurs prêts à prendre le risque (y compris juridique) du voyage ; rassurer et convaincre une majorité de parents ; vaincre les résistances et incompréhensions culturelles ; surmonter les difficultés administratives.
Mais, de toute évidence, cela valait le coup. La présence des enfants a immédiatement permis de placer le voyage sous le signe de la découverte, de l’apprentissage et de la communication. Costumée pour l’occasion, toute la population de la commune rurale de Moulay Bousselham attendait ses visiteurs. Les enfants des cités françaises, ordinateurs sous le bras, découvrirent une école… sans électricité. Cette modestie des moyens, conjuguée à une grande convivialité, marqua les esprits et constitua un ingrédient pédagogique essentiel du séjour. Et si, depuis, l’électricité a été installée à l’école de Moulay Bousselham, ce n’est peut-être pas sans relation avec cette visite.
Au retour, les jeunes Marocains furent accueillis une demi-journée dans les familles françaises. Ici encore, cette prise en charge nécessita un engagement des familles. D’éventuelles réticences et préjugés quelquefois xénophobes durent être surmontés. Le travail en profondeur avançait. La délégation marocaine était aussi constituée de décideurs et socioprofessionnels, notamment de la pêche : les relations humaines entre adultes se nouaient.
Bientôt un troisième échange, sur fond
de plan d’actions
Pour le SMGEO, qui a cofinancé les deux premiers échanges, la question des moyens interroge aujourd’hui le devenir du jumelage : moyens financiers et, par conséquent, moyens humains. En effet, les techniciens du syndicat n’ont pas pour mission principale d’animer un jumelage. L’organisation d’animations pédagogiques et d’échanges scolaires est très consommatrice de temps. Jusqu’ici, le travail de terrain a été pris en charge par un emploi jeune. Mais demain ? Le jeu en valait-il donc la chandelle ?
En ce mois de février, la réponse est venue de Moulay Bousselham. En effet, la commune marocaine vient d’inscrire un crédit spécifique à son budget et lance l’invitation pour un prochain voyage. Pour Abdelghani Yatribi, fonctionnaire chargé du dossier, il est évident que les échanges scolaires ont permis aux élèves marocains et, au-delà, à l’ensemble de la population, de prendre conscience de l’importance environnementale du site où ils vivent. Parallèlement aux échanges d’enfants, les rencontres entre responsables des deux sites se sont poursuivies. Ainsi, par exemple, l’expérience française en matière de décentralisation et préservation des sites naturels a mis en perspective le manque d’une structure de gestion de la lagune de la Merja Zerga. Une réflexion est désormais entreprise en ce sens, qui accompagne celle engagée, au niveau national, par le Maroc. Par ailleurs, des coopérations techniques se développent concernant la collecte et le traitement des eaux usées, l’adduction d’eau potable et la pollution de la lagune. Un plan d’aménagement et de gestion de la Merja Zerga a pu être étudié, sur financements européens. L’assainissement a été retenu comme axe prioritaire. Quatre spécialistes français sont venus sur site du 6 au 10 novembre 2002. Il est envisagé de transférer un procédé de géo-assainissement par évapotranspiration des eaux usées.
Abdelghani Yatribi ajoute qu’il sera prochainement présent, avec le maire de Moulay Bousselham, à la conférence internationale sur l’hydrologie des régions méditerranéennes et semi-arides à Montpellier, le 31 mars 2003. Une façon pour lui de bien mettre en lumière le lien direct qu’il fait entre l’avancement des coopérations techniques et l’échange des scolaires.