Principes à appliquer pour le suivi d’une tourbière
Espaces naturels n°2 - avril 2003
Arlette Laplace-Dolonde
Laboratoire rhodanien de géographie et d’environnement. Université de Lyon
Utilisable dans le cadre d’un plan de gestion, la méthode de diagnostic des tourbières consiste à définir l’origine et le fonctionnement de ces milieux sensibles. En effet, si l’on considérait jusqu’ici que les tourbières étaient autonomes d’un point de vue hydrique, la recherche a démontré le contraire. La méthodologie tient compte également de la dimension historique et socio-économique.
Faire le diagnostic d’une tourbière, c’est, en tout premier lieu, analyser les cartes géologiques afin d’appréhender son bassin versant. Car le fonctionnement d’une tourbière dépend d’abord de son environnement géologique et géographique.
« La tourbière est-elle dans un environnement aquifère perméable ou non ? », se demanderont les gestionnaires. Ils chercheront à connaître l’aquifère, c’est-à-dire le terrain permettant le stockage et l'écoulement de la nappe souterraine, auquel la tourbière se réfère. La topographie dira aussi si certaines eaux descendent des pentes environnantes.
En second lieu, on voudra connaître la profondeur de la tourbe, ce qui permettra d’apprécier le degré de maturité de la tourbière. Ce faisant, on s’informera de la qualité du fond la cuvette dans laquelle est intégrée la tourbière pour évaluer les échanges avec le substrat sous-jacent. On cherchera à savoir si elle est imperméable ou non.
Enfin, troisième donnée : identifier les niveaux. La tourbe, en effet, n’est pas une masse uniforme. Elle connaît des niveaux de succession dans ses profils des sols, ainsi chaque niveau de tourbe a ses propres caractéristiques en terme de stockage d’eau. À titre d’exemple, il peut advenir qu’une couche supérieure de plusieurs mètres formée de restes de sphaignes1 avec des niveaux plus ou moins dégradés recouvre un ou deux mètres de tourbe à roseau, très liquide. Au-delà de ces trois points méthodologiques, d’autres outils du diagnostic sont constitués par une approche socio-économique et historique.
Les drainages, cultures, horticultures… qui au fil des ans ont marqué la tourbière déterminent, eux aussi, la nature du sol, particulièrement en surface. Les gestionnaires essayeront de connaître les lieux de ces actions, comme ils s’inquièteront aussi de la cohérence du milieu. La végétation, par exemple, est-elle en conformité avec la nature chimique, biologique et physique des sols, y compris avec les états d’humidité ? Ou bien, au contraire, les cortèges végétaux sont-ils assez banals ? Ils indiqueraient un assèchement même temporaire.
Reste encore à prendre en compte le contexte socio-économique et les acteurs actuels : chasseurs, pêcheurs, randonneurs, agriculteurs… À la fois pour apprécier les éventuelles perturbations de ces milieux (pollutions, pompages saisonniers…), mais aussi parce que les acteurs de cet environnement rural doivent être reconnus pour assurer la réussite d’une gestion communautaire cohérente.