De Valparaiso (Chili) à Fontainebleau

Deux réserves de biosphère coopèrent

 

Espaces naturels n°44 - octobre 2013

Vu ailleurs

Jean Michel Martin
Coordinateur Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais
Jérôme Pelenc
Doctorant Sorbonne Nouvelle - CNRS
 

Elles ont les mêmes préoccupations. Les réserves de biosphère de La Campana-Péñuelas au Chili et celle de Fontainebleau et du Gâtinais en France font route en commun.

D’un bout du monde à l’autre, les problématiques sont parfois similaires. Au Chili et en France, deux territoires, tous deux réserves de biosphère, se posent des questions qui prennent leur source dans un terreau partagé. La Réserve de biosphère de La Campana-Péñuelas est contiguë aux grosses agglomérations que sont Santiago et Valparaiso. En Île de France, la Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais est, elle, située à soixante kilomètres de Paris. Au Chili comme à Paris, ces deux espaces constituent un poumon vert emblématique de leur macrorégion.
Cette situation géographique les amène à se poser la même question : comment envisager les métropoles comme sources de solutions et non seulement de pressions ? Les deux aires naturelles envisagent d’ailleurs d’inventer un écotourisme périurbain combinant conservation et espace de loisirs ou de tourisme, tant national
qu’international.
Mais comment faire ? Comment, aussi, faciliter le dialogue et le partage de connaissances entre acteurs aux objectifs parfois divergents ? Le défi était donc le suivant : monter une coopération pour répondre aux interrogations communes.

En 2008, c’est chose faite. Le stage d’un étudiant de Master 1 puis la mission d’un membre du conseil scientifique de la Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais permettent d’établir le contact entre les deux réserves. Un doctorant est embauché par la réserve française en convention Cifre (1). Il se voit confier la mission de développer et coordonner la coopération.
Une convention est alors corédigée. Cet accord-cadre, un engagement pour trois ans automatiquement renouvelable, est signé début 2010. Il est établi entre l’association de la Réserve de biosphère de Fontainebleau et la Conaf (équivalent de l’ONF en France), gestionnaire de la réserve chilienne. Le contrat insiste sur la philosophie de l’échange : « les deux réserves sont des sites importants pour l’apprentissage mutuel. »
Les dés sont jetés… Dans chaque pays, un coordinateur est nommé. Il fera le lien entre les coopérants.
En avril 2012, une équipe de cinq personnes fait ainsi le voyage vers le Chili. Elle est composée du président de la réserve, du coordinateur, d’un représentant de la Chambre de commerce et d’industrie de Seine-et-Marne, de l’Office national des forêts et des Mines Paris tech. Les Chiliens viendront en France un an plus tard en avril 2013.
Les délégations concentrent leur regard sur les axes définis comme prioritaires : quel type de gestion est approprié au contexte métropolitain ? Quel écotourisme pour ce milieu périurbain ? Comment organiser la participation citoyenne et l’éducation à l’environnement dans le contexte spécifique de territoires très peuplés ? Les coopérants s’intéressent également à la définition d’une charte visant la reconnaissance des produits et services conçus sur le territoire et susceptibles de provoquer l’engagement des acteurs économiques.

Au Chili, la délégation française séjourne une semaine. Elle rencontre les acteurs politiques, économiques, sociaux.
Les Français sont surtout impressionnés par le degré d’appropriation de la réserve de biosphère par les sphères politiques et par la population. Alors qu’en France cet outil de l’Unesco est assez mal connu, ils découvrent que le conseil régional de Valparaiso réfléchit à la manière de mettre en perspective l’existence de la réserve avec le nouveau plan d’aménagement du Grand Valparaiso. De même, une réunion du conseil municipal d’Olmué (au Chili, une commune peut avoir la taille d’un département français) traite de la capacité de la réserve à influencer l’aménagement du territoire.
Les acteurs socio-économiques ont, eux aussi, intégré l’existence de la réserve. Les Français, qui rencontrent les entrepreneurs du projet Biosphere Tourism de la chambre de commerce, s’aperçoivent que la réflexion porte sur la manière dont les entreprises peuvent bénéficier de l’image positive de l’Unesco afin de valoriser les organisations vertueuses. Ces acteurs réfléchissent à la méthodologie à mettre en place pour conduire des projets d’écotourisme à travers un label qu’ils viennent de mettre en place (2). La délégation française en tire des leçons et imagine appliquer cette démarche à Fontainebleau.
Suite à des échanges avec la chambre de commerce de Valparaiso, l’institut de géographie, la Conaf et l’institut de développement agricole, des orientations sur la construction d’un projet sur l’écotourisme à Fontainebleau ont émergé.
Même implication du côté des acteurs de l’action citoyenne : certaines écoles réalisent un musée des traditions rurales et d’éducation à l’environnement au cœur de leur enceinte scolaire. Des pistes de coopération sont alors évoquées. Les deux délégations ont rencontré des chefs d’établissements des deux pays et, d’ores et déjà, une école de Dammarie-les-Lys (France) prévoit un voyage au Chili en 2014.

Plus surprenant. Curieusement, ces échanges, très techniques au départ, font naître une dynamique qui renforce la motivation mutuelle des deux partenaires mais accroît également le soutien politique. Ainsi, la visite de la délégation française a très largement renforcé l’engagement des responsables politiques régionaux chiliens en faveur de la Réserve de biosphère de La Campana-Péñuelas. Les Chiliens ont déclaré « qu’ils souhaitent s’inspirer du modèle associatif de la réserve française. Et plus précisément, qu’ils souhaitent proposer un modèle de gestion où les communes joueraient un rôle essentiel ». Très intéressée, l’ambassade de France au Chili a invité la Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais à venir présenter son expérience lors d’un séminaire en janvier 2013.
Plus inattendues encore, des productions viennent aujourd’hui nourrir le champ d’une réflexion scientifico-technique. Ainsi, quatre conférences internationales ont souligné cette initiative comme un exemple rare de coopération Nord-Sud équilibré. Des articles scientifiques dans diverses revues et livres ont été publiés. Un rapport pour l’Unesco a été rédigé au début de la coopération, un autre devrait suivre, présentant les résultats de cette collaboration innovante.
Des pistes pour poursuivre la coopération se dessinent. La question prioritaire semble aujourd’hui celle de la gestion de l’eau. L’avenir se traduira vraisemblablement par des échanges directs entre acteurs des deux réserves de biosphère. •
 

1. Convention industrielle de formation par la recherche. • 2. ITR, Instituto de Turismo Responsable.