se préparer à la nouvelle programmation des fonds européens 2014 -2020

Les espaces naturels mobilisent peu les fonds européens... Un risque !

 

Espaces naturels n°44 - octobre 2013

Le Dossier

Emmanuel Thevenin
Aten, Responsable pôle développement
 

Pour accéder aux financements européens dans la nouvelle programmation 2014-2020, les espaces naturels n’auront d’autre choix que de se positionner au sein des différentes politiques territoriales et d’y affirmer leur rôle.

Mobiliser des financements européens pour ses projets locaux suppose d’évoquer les multiples difficultés auxquelles le gestionnaire d’espace naturel doit faire face. Il est fondamental, dans cette phase de changement de programmation budgétaire européenne (2014-2020), de voir comment les espaces naturels de France se comportent dans cette compétition ; afin, peut-être, de changer de regard sur cette question.
Comme le souligne le tableau de la page précédente, une diversité de fonds est accessible aux gestionnaires d’espaces naturels. Les chiffres alloués à la France pendant la période 2007-2013 sont impressionnants : 14,4 milliards d’euros pour la politique de cohésion européenne ; 4,5 milliards pour le FSE ; plus de 160 millions pour le programme Life+ ; près de 200 millions pour les mesures Natura 2000 du Feader.
Les gestionnaires d’espaces naturels ont-ils su mobiliser ces fonds européens ? Quels enseignements ou outils d’aide à la décision peut-on en tirer ? La réponse à ces questions implique d’analyser chaque fonds.

Mobilisation des fonds. Si les fonds FSE n’ont pratiquement pas été mobilisés, en ce qui concerne le programme Life+, les membres du réseau des espaces naturels ont coordonné six projets, tous sur le volet Nature et biodiversité (6/14).
Globalement, la France n’a d’ailleurs consommé que 67 % de son enveloppe, et ce malgré la conduite de cinquante-cinq projets.
Près de 43 millions d’euros, ciblés initialement par la Commission européenne pour des projets français, ont alors été attribués aux autres pays. C’est le cas notamment de l’Italie et l’Espagne qui avaient reçu de meilleurs scores pendant l’évaluation et dont les allocations étaient épuisées. 
• Concernant les contrats de mesures agri-environnementales territorialisées (MAET) Natura 2000, près de 22 000 ont été réalisés par la France. Ils mobilisent près de 108 millions d’euros pour Natura 2000 dont 51 millions de fonds Feader.
• Les fonds Feder sont sans aucun doute la source la plus importante de financements européens pour les espaces naturels. Sur la période 2007-2013, près de 1000 projets ont été conduits par plus de 160 structures de gestion d’espaces naturels.
Ces projets représentent un montant total de 390 millions d’euros (graphique ci-dessus). Ils ont été financés à 42 % par des fonds européens (soit 153 millions d’euros équivalent à 1,2 % des montants Feder).
Ce constat démontre un réel savoir-faire. Et pourtant, sur les douze priorités du programme Feder 2007- 2013, les projets montés par les réseaux membres de l’Aten sont très majoritairement (95 %) concentrés sur les priorités Environnement/protection des risques (84 %) et Tourisme (11 %). L’utilisation des autres domaines prioritaires, qui
représentent pourtant les plus grandes enveloppes, est anecdotique.
Est-ce à dire que les espaces naturels ne contribuent pas aux autres priorités de développement régional ?

Disparités. On constate aussi de très importantes disparités régionales (carte ci-contre), du point de vue du montant des enveloppes consacrées à la priorité Environnement et Protection des risques. C’est également le cas du point de vue de la part de ces enveloppes mobilisées par les espaces naturels.
D’une manière générale (au terme de la programmation 2007-2013), le taux de consommation des enveloppes Environnement et protection des risques est de l’ordre de 70 % !
Sans mobilisation forte et concertée des espaces naturels, il est probable que les lignes de financement sur les priorités de la nature et de la biodiversité soient réduites dans la programmation 2014-2020. Pour collecter des fonds, il faudra montrer que les espaces naturels sont capables d’être acteurs sur les autres objectifs prioritaires, tels que Recherche, Transition énergétique, Solidarité. L’ensemble de ces données peut utilement être ramené à la place occupée par les espaces naturels protégés en France.
Ils représentent environ 17 % du territoire français et, plus ou moins, 8 % de la population française.
À comparer également avec les 1,5 milliard de dépense publique totale annuellement affectée à la protection de la biodiversité et des paysages.

Les règles du jeu vont donc changer, la compétition sera accrue, les procédures plus strictes et les co-financements plus difficiles à mobiliser. De plus, les conditionnalités d’accès aux fonds Feder s’orientent sur le développement des approches « appel à projet » et « projets intégrés », les espaces naturels protégés n’étant (pour les vingt-huit États membres) qu’un des outils de protection de la biodiversité.
Aussi, les difficultés de procédure souvent évoquées ne sont en fait vraisemblablement que la partie immergée de l’iceberg. Face à cette mutation profonde, les réseaux doivent valoriser leur place dans différentes politiques régionales (schémas régionaux de biodiversité bien sûr, mais aussi transport, tourisme, recherche, solidarité…). Ils doivent également affirmer leur complémentarité avec d’autres partenaires territoriaux.
La préparation des réseaux d’espaces naturels à la nouvelle période 2014-2020 est fondamentale.
L’expérience de près de 1000 projets portés ces cinq dernières années doit être une source de confiance pour aborder cette nouvelle programmation. Elle sera salutairement étayée par une mobilisation concertée des réseaux, tant à l’échelle nationale que régionale. •