Bretagne

Le droit européen pour protéger la qualité de l’eau ?

 

Espaces naturels n°44 - octobre 2013

Le Dossier

Véronique Michel Gicquel
Administratrice d’Eau et rivières de Bretagne. Avocate au barreau de St-Malo et Dinan
 

Le 13 juin 2013, la Cour de justice de l’Union européenne condamne la France pour ses eaux polluées aux nitrates. Dans son arrêt, la Cour constate les « manquements » chroniques de Paris. Cette décision est un prélude à une possible amende de plusieurs dizaines de millions d'euros voire à des astreintes journalières qui alourdiraient considérablement le montant réclamé.

La Bretagne représente 6 % de la surface agricole utile en France. Cinq millions de porcs charcutiers, 600 000 truies, vingt millions de poules pondeuses, 700 000 vaches laitières… s’y concentrent.
Ce choix de développement intensif (lié à un remembrement destructeur des bocages, talus, méandres et chevelus des rivières, un drainage de zones humides) a provoqué l’érosion des sols et la dégradation de la qualité de l’eau, des sources à la mer.

Préoccupant.  La prolifération de cyanobactéries et le développement d’algues vertes sur les plages sableuses ainsi que sur les vasières sont les signes de l’eutrophisation de l’eau des bassins versants.
Pour lutter contre la pollution agricole, les nitrates, phosphates et pesticides, l’association Eau et rivières de Bretagne (1) s’est penchée sur le maquis réglementaire des trente directives ayant une incidence sur l’eau. Directives transposées, en partie, dans six codes différents, avec effet différé. Il en est ainsi de la directive sur les eaux superficielles destinées à la production alimentaire dite Eaux brutes (2), de la directive Nitrates, de la directive cadre Eau (3).
Eau et rivières de Bretagne a également mis en avant la charte européenne de l’Eau (26 mai 1967) laquelle affirme que « l’eau est un patrimoine commun dont la valeur doit être reconnue de tous. Chacun a le devoir de l’économiser et d’en user avec soin ».
Pour tenter de modifier le cours des choses, le recours au droit communautaire n’a pas été négligé. En 1992, par exemple, l’association a déposé plainte devant la Commission européenne. Le contentieux, dit des Eaux brutes, visait à dénoncer le développement non encadré des élevages.

Jugement. La plainte a conduit à une condamnation du gouvernement français en 2001 puis en 2007 (et aujourd’hui en 2013). Pour autant, l’État français a continué à faire preuve de laxisme dans l’application de la réglementation des élevages et le traitement des effluents, notamment pour les plans d’épandage au niveau des prêteurs de terres et de la gestion du transport des effluents. De ce fait, les taux de nitrates perdurent dans les nappes phréatiques bretonnes.
D’autres recours ont alors été introduits au plan national. Ainsi, le 3 novembre 2009, la cour administrative d’appel de Nantes reconnaît de « multiples carences fautives de l’État ». Dans son arrêt, la juridiction rappelle que la « préservation de l’environnement à laquelle [Eau et rivières de Bretagne] participe a été érigée au rang d’objectif à valeur constitutionnelle par la charte de l’Environnement du 1er mars 2005 ».
Malgré l’épée de Damoclès des sanctions de la Commission européenne pour non-respect de la directive cadre Eau, et l’annulation des derniers plans nitrates pris par les préfets bretons, la concentration des élevages perdure avec des seuils de plus en plus élevés, jusqu’à 10 000 porcs par installation avec des plans d’épandage de huit cents hectares sur des zones vulnérables et des milieux sensibles.
La Bretagne, péninsule spectatrice de l’Océan, a encore un long combat à mener pour la protection de l’eau. •

1. Association agréée de protection de l’environnement, Eau et rivières de Bretagne vise également la défense des consommateurs et l’éducation à l’environnement. • 2. 75/440/CEE • 3. 2000/60/CE